La Révolution française et ses détracteurs d'aujourd'hui

LA RÉVOLUTION POLITIQUE 17

années, d’une évolution politique et sociale plusieurs fois séculaire.

Voilà ce que, ordinairement, on ne voit pas très bien, de notre côté; et ce qu'on ne veut pas voir, à droite. Que dis-je ? La thèse essentielle de nos plus ou moins jeunes « contre-révolutionnaires » est que la France, en 1789, rompit follement avec toutes ses traditions, sur la foi d’unrationalisme qui prétendait pouvoir construire d’après certaines formules une société parfaite: sur la foi, notamment, du fameux petit livre de Rousseau, le Contrat social.

Cette thèse est bien l’idée fondamentale et centrale des volumes de Taine.

Examinant l’œuvre de la première Assemblée révolutionnaire, — l’œuvre si modérée, si transactionnelle, de la Constituante, — il affirme que les Constituants ont obéi à « la raison pure qui à découvert les Droits de l’homme et les conditions du Contrat social »: et il s’écrie :

Appliquez le Contrat social, si bon vous semble, mais ne l’appliquez qu'aux hommes pour lesquels on l'a fabriqué. Ce sont des hommes abstraits qui ne sont d'aucun siècle et d'aucun pays, pures entités écloses sous la baguette métaphysique. En effet, on les a formées en retranchant expressément toutes les différences qui séparent un homme d’un autre, un Français d’un Lapon, un Anglais moderne d’un Breton contemporain de César, et l'on n’a gardé que la portion commune. On a obtenu ainsi un résidu prodigieusement mince, un extrait infiniment écourté de la nature