La Serbie

ns "Lundi 3 Mars 1919 No 9

La question macédonienne, ethnjographifuement, n’a jamais existé et le caracère serbe de la Macédoine ne fut à auun moment l'objet d'un doute quelconque ur celui qui connaît cette terre serbe et ne ferme pas les jeux à l'évidence. Malheureusement, la Macédoine, bin qu'indubitablement serbe, dut ê:re mise en litige, d'ailleurs en tant que question puremient tique, par le traité dalliance serbobulgare de 1912. : ‘Trop faible pour tenter seule d’émangiper la Macédoine, et craignant d'autre at de se voir attaquée de flane par la Bulgarie, la Serbie se vit obligée de s'adresser à la Bulgarie et de solliciter son concours en vie d'une action commune contre la Turquie. Comime la Bulgarie avait fait figurer la Macédoine dans son programme d’hégémonie baïkanique, il ne restait à la Serbie qu'à se résignièr à payer le concours bulgare par un douloureux sacrifice en Macédcine, En effet, la situation de la Serbie, qui estimait qu'il était de son devicir le [plus sacré de libérer ses fils de Macédoine après s'être délivrée elle-même du joug turc, était des plus difficile. Eile se trouvait devant ce dilemne : ou laisser à l'avenir ses frères de race dans l'esclavage turc, ou se sésigner à demander le concours des Bulgares en le payant par la cession d'une bonne partie de la Macédoine, Le second terme était évidemment mioins désavantageux, car la Serbée libérait ainsi une assez grande partie de la Macédoine (ei l'autre partie passait aux Bulgares et trouwait son avantage À échanger l'esclavage turc contre la dicmäination de l'Etat bulgare, C’est pourquoi la Serbie se décida à signer un traité d'alliance avec la Bulgarie et à faire ainsi de la Macédoine l'objet d'une discussion. ! On sait la solution que le traité d’aldiance serbo-bulgare prévoyait, Malheuireusement. la Bulgarie, qui ne voulait pas d'une entente À l'amiable let se refusait

una solut‘on non prévue, celle de feu et des larmes. Honteusement battus, la Bulgarie, en lâche quelle était et bien qu'edle eût choisi elle-même une telle solution, ne cessa pas de récriminer et fit des efforts constants pour remettre à l’ordre du jour la question macédionienne. :résoïue - si - équitablemment en 1913. à Bucaresl. La seconde trahison bulgare. celle de 1915, à non seulement scellé rune foïs de plus da quest‘on de la Macédoine et la reléguée à tout jamais dans les vieilles äârchives, mais a remis à l’ordre du jour une ancienne question douloureuse, ‘linjustice du Congrès de Berlin de 1878. Les res le savent fort bien, mais fidèles . au principe: « Demandez jun bœuf pour avoir un œuf», ils continuèrent méanmoins à faire le plus grand vacarme aurtour de la Macédoine, qu'ils considèrent cependant, dans leur for intérieur, à juste titre: comme perdue, Le but da ce apage n’est que trop naïf: les Bulgares escomptent un maintien de la discussion sur le terrain macédonien. | 1 (Cependant la délégation serbe à la C'one férence de Paris, consciente des droits et des devoirs de la Serbie, n’a pas mêmi fait attention à ce bluff bulgare et vient d'infliger une pitoyable défaite aux manœu-

àä se soumettre à l'arbitrage du tsar, choisit.

À ETSISEP

SERBIE

vres bulgares. Dans le deukièmie mémoire qu'elle a remis au Bureau de la Conférence: la délégation expose les raisons pour lesquelles il lui paraît nécessaire de réctifier la frontière actuelle et de la Serbie. nombreuses trahisons gt agressions dont les Bulgares se sont rendus coupables envers les Serbes, la délégation montre que la nouvelle frontière devrait être: tracée de la manière <uivante:

Elle suivrait la Strouma jusqu'à Dzernem pour aller de là droït au nord, en suivant la crête des montagnes sur la rive gauche de la Strouma. Elle atteindrait le déiilé de Dragouman, puis obliquerait d’abord vers le nord-est, et après vers le

-nord-ouest, et atteindrait enfin le Damube

près de l'embouchure de la Skomlia. La frontière ainsi tracée embrasse à peu près tout le pays des Chlopes ou comme on le dit le Choplouk, s'étendant desuis le Danube au nord jusqu'à Oviché Polyé au sud, puis entre la vallée du Timok et de la Morava du sud jusqu'à l’Iskar.

Les Chopes ne sont pas autre chose que |

les Serbes avec un nom régional. Ils n’ont rien de commun avec les Bulgares, peuple d’origine tartare. Ils sont Slaves, parlent un dialecte serbe, chantent en 5'accompagnant de la gouzla, célèbrent la slava, vivent en zadrougas. Malgré la dénationalisation systématique par les Bulgares, Les Chopes sont toujours restés Serbes: (en 1913, lorsque lés troupes serbes pénétrèrént dans Ja ‘Bulgarie occidentale, files furent accueillies en libératrices. C'est un fait que les Bulgares eux-mêmes n’ignonent pas. La « Kambana » du 4 août 1917, croyant certaine la victoire des Allemands, pensa, qu'il n'était pluis dangereux de parier publiquement du Choplouk. E:le conseilla au gouvernement bulgare de dépeupler le Choplouk et d'y amener des élémients bulgares. A l’occasion de la réunion du Congrès de Berlin, les habitants du Chaplouk envoyérent à Berlin jun memjorandum daté du 16 juin 1878 (v. s.) contenant le timbre de rien moins de 250 communes de la Bulgarie occidentale, pour demander « l'annulation (de la paix nusse et'leur unifom avec la Serbie ».

La Serbie elle-même, avec non moins d’énérgie que les Chopes, défendit at Congrès de Berlin contre les ambitions russes les intérêts de la population serbe du Chioplouk. M. Ristitch, à qui on offrait Pirot comme gompensation, déclara qu'il se souiciiait peu de la possession de Pivot; ce qu'il vou lait c'étaient les frontières naturelles, allant jusqu'à Dragouman.

Commie le Congrès, et surtout la ‘Russie impérialiste se souciaient très peur des arguments. de nationalité, la Serbie invoqua les raïsons géographiques, stratégiques et économiques. La Russie, mise àu pied de mur par ces arguimients, changea de front et essaya de nevenir aux arguments de nationalité. M. Rüstitch, sûr du bon droit de la Serbie, riposta avec éclat et accepta de porter la discussion sur ce terraïñn : par sa lettre di 2 jwillet 1878, adresisiée au plénipotens tiairerusise,le comte Chouvalo vi M. Ristitch proposa de consulter les h'abitants eux-mêmes,

> Nos revendications orientales

.. — Une des injustices de 1878 qui reste à réparer —

de la Bulgarig. Après avoir Laos al

Considérations géographiques, stratégiques, ethnographiques, la volonté du peuple, tout s’elfaça devant la puissante Russie et les territoires dontestés furent: attribués à la Bulgarie pour adoucir la Russie blessée et qui avait par trop perdu: ailleurs dants la Bulgarie san-stefanienne, Voilà comment et avec quelle légèreté où décida du sort de toute une population serbe, Te serait à désespérer vraiment si on laïssait passer cette bccasion de refuettre les choses au point. Pour quelles raisons devrait-on laisser la Bulgarie criminelle jouir des fruits d’une politique su‘année qui était celle du temps du Con-

rès de Berlin? Serait-ce parce ‘que la

ulgarie s’est rangée aux côtés des.conspirateurs contre la civilisation qu'il faudrait la récompenser en lui laissant je pouvoir d'exploiter et de tyranniser notre peuple du Choplouk? La justice, les principes sut lesquels doit reposer l'Europe nouvelle exigent de ramener la Bulgario dans ses frontières nationales et darracher À son joug tlous les peuples qui se sont montrés plus capables de civilisation que lioppres-

-Sèur buligare-vSi les ANÉS Yeulènt nous

charger de mission pacifique dans les Balkans, il faut qu'ils nous fournissent les moyens de réaliser cette tâche. Il faut qu'ils commencent par réduire la Bulgarie à l'impuissance; autrement, il serait hors de notre pouvoir de mener à bonne fin

f ,

notre travail. hr ‘M. Taditch.

Camouflage bulgare

Qu'un Bulgare soit de l'opposition où du parti gouvernemental, il n'en reste pas moins. bulgare, c’est-à-dire un calculateur sans scrupules, qui adapte sa politique aüx besoins de l'heure actuelle et s'oriente toujours vers ceux qui sont les plus forts. Ainsi, M. Guéchoff, qui se targue aujourd'hui de son ententaphilie et de sa lutte contre le germanisme, était un tout autre personnage lorsque les armées de Hindenbourg permettaient de croire au triomphe des Empires Centraux. Dans la « Gazelte de Lausanne » du 22 février, M. Guéchoff dit ceci: « Nous avons (Sakasoff, socialiste, et lui) combattw le bon combat contre ce ministère germanophile, surtout à cause de sa décision néfaste de {lier le sort de la Bulgarie à celui des Empires Centraux ».

En lisant ces affirmations si fermes, nous fûmes stupéfaits de l'audace de leur auteur. M, Guéchoïff croit-il donc que.les idées émises pendant la guerre sont déjà oubliées et qu'il peut, sans crainte d'un démenti formel, se hasarder à chanter ses louanges aux Alliés dont il désirait hier la ruine?

En feuilletant le journal de M. Guéchoff, le « Mir », nous avons, en effet, trouvé des passages qui sont entièrement en contradiction ave ce qu'il plaît à M. Guéchoff d'affirmer aujourd’hui.

M. Guéchoff lui-même écrivait le 14 janvier 1916: st « J’assiste à la septième guerre dans les Balkans. Celle-ci se distingue des précédentes surtout en ce que notre peuple armé écrit, avec sa plume d'acier, de nouvelles pages non seulemient pour l’histoire balkanique mais pour l’histoire mondiale. S'il n'avait pas payé de son sang et n'avait pas ajouté à ce tribut Ison effort, les revirements qui nous ont surpris pendant les trois derniers mois de 1915 ne se seraient pas produits. Instrument des destinées

mondiales, le peuple bulgare contribue à

| déterminer le sort prochain du monde en-

el. ï NE 1 nf PR 2

« Il faut éviter avec soin de retomber dans les fautes qui ont amené la catastrophe de 1913. Le gouvernement d’abord ‘ et le peuple ‘ensuite ne doivent pas permettre la désagrégation de J’union. à laquelle nous devions les mixracles que le peuple bulgarke armé a accomplis en 1912 et 1915... Notre patrie s’est élevée et'lest devenue grande grâce à la volonté unanime, aux sacrilices et aux souffrances de ses fils. Continuons à l’aider, afin que les sacrifices. el les souffrances endurées jusqu'à présent ne restent pas sans récompense et que l’œuvre «entreprise soit menée à bonne fin. Aidons-la par notre vaïllance dan$ les tranchées, par notre abnégation à Parrière, par notre sagesse partout. Et puisse notre patrie, ainsi unie et agrandie des territoires dont elle a bésoin pour assurer son ajvenir, être illuminée par le bienfait d'une paix digne et durable. » 4

Ce n’est certainement pas par de telles

idées qu'on témoigne de son ententophilic

et de sa -germanophibobie, Mais l’organé de M. Guéchoff, jadis rulssophile, exprime encore plus clairement l’idée d'acceptation de la guerre à côté des Allemands. Voici ce qu'en dit le « Mir » dui 21 août 1916:

« Ceux qui, avant la guerre, avaient été d'avis qu'il fallait choisir une autre voie, n’ont jamais songé à renoncer à ce droit (extension de la Bulgarie aux dépens de la Serbie) de leur peuple. Mais une fois que la voie est chhïsie, ils ne mpetwvént pas refuser leur collabwration pour amener l’œuvre à chef.»

Le président du Conseil bulgare actuel, M. Théodoroff, ami politique de M. Guéchoff, se déclara au Parlement en faveur du budget présenté par M. Radoslavoff, qu'il sauva par son intervention. M. Théodorioff, que M. Guéchoff appelle comme chef du cabinet ententophile, disait au Parlement, d’après le «Mir» du 20 juillet 1916:

« Le gouvernement s'est entend avec certains Etats. En le faisant, il ne s’est pas engagé tout Seul, maïs il à engagé la responsabilité du peuple bulgare ‘tout en-

“tie. Nous devons tous veiller à ce que

l'œuvre commencée soit menée à. bonne fin. Lorsque notre voiture arrive devant une rivière, nous pouvons apprécier en toute liberté par quel gué il est pius facile «de passer; mais, une fois le véhicule: em: plein gué au beau milieu de la rivière, il faut employer toutes (ses forecs ‘pour atteindre la rive opposée... » | Après celte claïre exposition de M. Guéchoff et de son ami politique, M. Théodoroff, tout commentaire est superflu. On en reste pas moins ébahi de l'audace avec laquelle MM. les Bulgares osent nier l'évidence en face de l'Europe. Cependant M. Guéchoff, en élève des Universités anglaises, devrait avoir tune idée plus nette de ce que veut dire le mot «gentleman ». I] paraît que sa longue absence de l’Angleterri@ a «émouissé son souvenir, ce qui, pour en dire le mioins|:kes profondément regrettable. eff 1, Syrmicus.

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circonstances changeaient, provoquant également un chan_gement de régime.

La Société des Nations n'aura pas besoin de passer par ces phases primitives par lesquelles la société des particuliers a passé. Les membres de la future Société des Nations sont assez civilisés pour pouvoir, par le libre consentement, organiser une Ligue qui, dans le passé, n'aurait pu naître que de la force. La difficulté consiste dans le fait que les Etats qui ont, pendant des siècles, cultivé et Pratiqué l'idée de la souveraineté particulière, doivent renoncer d’un coup à cet attribut de leur individualité et le transmettre à un corps super-étatique. Dans l'état actuel des choses, que cela puisse se faire est plus qu’invraisemblable, Ainsi, nous avons, d'un côté, l'impossibilité du régime absolutiste et, de l’autre, l'impossibilité de réaliser un système démocratique conventionnel où les parties renonceraient d’elles-mêmes à leur souveraineté.

Ceci prouve la justesse de notre thèse que la Société des Nations, comme institution définitive, ne peut pas être en ce moment, et qu'il y à lieu de chercher une solution transitoire pour habituer peu à peu les peuples et les Etats à un régime où le culte de la souveraineté nationale et étatique ferait place au culte super-national.

Admettons cependant que tous les Etats soient profondément pénétrés de la nécessité d’une organisation SUPETT étatique, et également disposés à renoncer à une partie au moins de leur souveraineté — le Cas s’est présenté déjà dans les combinaisons étatiques connues SOUS le nom de confédération ou d'Etat Fédératif — cette bonne volonté se heurterait à des difficultés nouvelles que l'on ne pourrait

pas surmonter à l’heure actuelle. Une comparaison avec le droit interne nous conduit de nouveau à des constatations très judicieuses et très instructives à cet égard.

L'Etat n’a pu naître qu’au moment où un système du droit, si imparfait qu'il fût, s'est formé, embrassant l’ensemble de la dynamique sociale. Sans un système semblable, la Société des Etats ou des Nations n’est pas davantage possible. Mais, aujourd’hui, il y a plus. La première condition pour l'organisation juridique d'une -collectivié moderne, c'est l'égalité politique et l'égalité économique des membres. La démocratie internationale, pas plus que la démocratie nationale, n’admettrait le principe du classement d’après leur puissance matérielle. La réalité est cependant tout autre : il y a de grandes et de petites puissances, il y a des peuples forts et des peuples faibles. Gette différence est le résultat de la vie. Le Droit la souffre, ne pouvant pas l’écarter, mais il ne la sanctionne pas, il ne peut pas la sanctionner.

Les grandes puissances, d'après leur structure et leur mentalité actuelles, n’admettraient pas une égalité politique avec les petites puissances.

(A suivre).

LES LIVRES

HABERT, Henri. — Zntre les fils barbelés, d'après les récits des évadés serbes. Amsterdam, 1919. Ce livre est une contribution à l’histoire des horreurs commises ar les Germano-Touraniens au cours de cette pentes L'auteur y a rassemblé les récits des évadés serbes de Hollande en y adjoignant quelques documents photographiques qui parlent plus éloquemment que tout. Le monde se croyait déjà abondamment renseigné sur les façons d'agir germano-touraniennes. Pourtant, les crimes signalés dépassent toute imagination. Ar

11 s'agit surtout de crimes commis en Serbie. Tandis que les atrocités commises en Belgique ou dans le nord de la France purent être contrôlées de plus près par l'Europe et promptement

ortés à la connaissance de l'humanité, notre pays martyrisé el oinltain échappa à ce contrôle. Aussi, les Germano-Touraniens, tous dignes les uns des autres, ont-ils pu y donner libre cours à leurs mauvais instincts. Et cette besogne fut exécutée par eux avec d'autant plus de perfection que leur plan ouvertement déclaré était de supprimer la race serbe, cette race qui, petite et faible, osait s'opposer à la poussée germanique en Orient. Ah ! comme ils auraient été heureux, si la race tout entière n'avait eu qu’une seule tête. : ‘

Parmi les photographies apportées par M. Habert, il s’en est trouvé une qui révèle d'une façon indéniable ce qu'était l’occupation germano-touranienne en Serbie. Elle montre le gibet qui a fonctionné comme une véritable institution, et les victimes s'y alignent comme si elles n'étaient que des objets quelconques, et non pas des êtres humains. L'auteur a eu la bonne idée de mettre les mots suivants au bas de cette photographie : « Président Wilson, allez voir les horreurs commises par les autorités austrohongroises dans la Serbie occupée!»

Ce livre macabre, qui porte cette épigraphe : « Honte aux bourreaux, gloire éternelle à leurs victimes ! » vient à propos, à l'heure où les peuples de proie vaincus, s'évertuent, au moyen de mensonges et d’intrigues, à bénéficier des bienfaits de la victoire qui leur a été si chèrement arrachée.

M. Habert a bien mérité du peuple serbe en élevant si éloquemment la voix en faveur des victimes qui ne sont plus. La reconnaissance des martyrs lui est acquise. P,