Le drapeau du 27e régiment d'infanterie

58 LE DRAPEAU DU 27° DE LIGNE

Le 14 juillet, le Colonel Adam lui-même est frappé d'une balle dans l'épaule, en visitant ses hommes dans leur dernière parallèle. Le 16 août, le capitaine Tartarive y est tué d’un éclat de bombe. Enfin, le 5 septembre, après des fatigues inouïes, et grâce à un travail incessant au milieu de la mort qui les fauche, nos soldats sont arrivés à 25 mètres du saillant de Malakoff, qui domine tous les ouvrages du front ouest. A droite et à gauche, les divisions voisines sont à 30 ou 40 mètres de leurs objectifs. Le tonnerre des deux artilleries ne cesse pas un instant, mais on sent que le moment final approche; à cet instant précis, depuis le mois de juillet, le 27° de Ligne à lui seul a perdu aux tranchées 31 tués et 351 blessés.

Enfin, l'assaut général fut décidé pour le 8 (1). Pendant que le Grand Redan, à gauche, serait attaqué par les troupes anglaises et le Petit Redan par les divisions Dulac et La Motte-Rouge, la division de Mac-Mahon était chargée d’enlever le bastion de Malakoff. Cet ouvrage, sorte de citadelle de terre, longue de

milieu des coups de fusil des Russes, gagnaient le premier trou de bombe, et s’y creusaient à la hâte un abri pour la nuit. Souvent, les sentinelles russes, qui avaient opéré de la même manière, passaient la nuit à quelques mètres seulement des nôtres, et, comme des deux côtés on avait ordre de ne tirer qu'à la dernière extrémité, il y eut entre factionnaires russes et français plus d’une lutte sanglante à la baïonnette ; un soir, le soldat Tugnet, du 27°, qui s'était souvent signalé par son sang-froid dans ces périlleuses expéditions, tombe dans un abri occupé par quatre soldats russes. À coups de baïonnette il en étend deux à ses pieds et frappe le troisième, mais il est à son tour mis hors de combat, terrassé et emmené prisonnier. Ge brave ne fut échangé qu'après l'armistice ; il rentra au régiment et y demeura jusqu'à la guerre de 1870. Il fut alors fait prisonnier pour la seconde fois, à Sedan, avec le Régiment. Un officier en captivité le réclama comme ordonnance, et fut assez heureux, après la guerre, pour obtenir en sa faveur la croix de la Légion d'honneur, digne récompense de ses longs services el de son courage.

(1) Les ordres généraux furent donnés par le général Pélissier, qui avait, depuis le 16 mai, succédé au général Canrobert au commandement de l’armée d'Orient.