Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

RENAN ROUE

CHAPITRE II

Situation économique de la France de l’ancien régime comparée à celle de la France actuelle. — Pratique ancienne et théorie moderne. Législation des grains difficile à établir et à faire comprendre au peuple. — Mourait-on de faim ? — Opinion de Voltaire.

Il nous est difficile, avec les progrès de la science moderne et la situation économique actuelle de la France, de comprendre à première vue et d'apprécier avec équité les mesures que durent prendre les autorités de l'Ancien Régime pour mettre la France à l'abri de la famine, ou simplement de la disette lorsque les récoltes avaient été mauvaises. Nous sommes fort heureusement. aujourd’hui, hors des atteintes de ces terribles vicissitudes; mais il est juste de ne pas attribuer aux réformes révolutionnaires ce progrès évident et de ne pas faire bénéficier un principe nouveau d'un résultat auquel il est absolument étranger :.

Aujourd’hui, en effet, le télégraphe nous permet de demander en quelques heures, et les moteurs à vapeur nous permettent de faire venir en quelques jours des quantités considérables de blé des

1. Voy. V. Modeste. De la Cherlé des Grains. p. 25 et suiv. Nous ferons de fréquents emprunts à ce travail, très bien fait à plusieurs points de vue, bien que très hostile à l’ancien régime. « Contrairement à l’opinion commune, la France ne produit pas assez de blé pour nourrir ses habitants ; une année sur trois produit seule une récolte suffisante, Le déficit annuel qu’il faut demander à l'importation va croissant de 400,000 hectolitres à 600,000 (1854). » p. 64.