Lepeletier de Saint-Fargeau et son meurtrier : documents inédits

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lants, qu’elle récompense pour les républicains de Forges! ils ont vu avec une délicieuse indignation \'exécrable cadavre de l'ennemi liberticide, avec quelle entousiasme ne vont ils pas contempler dans leur chambre municipalle l’image tutélaire de Michel Le Pelletier? Ils ont droit à cette jouissance, ils l’attendent de la justice de la Convention nationalle. »

Le même jour, 1° février, arrivaient à Forges deux commissaires de la Convention ; Tallien et Legendre avaient été choisis pour s’assurer de l'identité du mort. Un long procès-verbal en trois parties constate leur venue et leurs opérations. La pièce, que Je me borne à mentionner, est surtout remarquable par les signatures originales des conventionnels : celle de Tallien, rapide et dégagée, avec un beau paraphe de basochien ; le nom de Legendre, tracé d’une écriture pénible et écrasée comme par une main peu habituée à tenir la plume.

IL est pourtant, dans l'acte dont je parle, une parlicularité à noter.

Tallien et Legendre n’étaient pas venus seuls à Forges-les-Eaux ; ils étaient accompagnés « du citoïen Rocher, sapeur de la garde nationale parisienne. » La présence de cet homme devait, chose que l'on n’oubliait pas alors, concourir à la mise en scène de l’entrée des deux conventionnels.

Descendus de leur voiture et reçus par la municipalité, ils se dirigèrent vers l’auberge du Grand-Cerf, précédés du sa peur, la hache sur l'épaule. Cet appareil formidable, cette façon de licteur renouvelée de l’ancienne Rome jeta l’effroi parmi les habitants, tremblant peut-être d’être compromis par la présence de l'assassin Pâris; les maisons se fermèrent aussitôt et le calme ne revint dans le pays qu'après le départ des délégués!,

Les objets trouvés sur le cadavre furent remis entre leurs mains : « Une petite pincée de cheveux châtains,fattachés d’un ruban rouge, un portefeuille dans lequel était renfermée une somme 1248 livres en assignats, une fleur de lis en cuivre argenté. N’ayant trouvé dans son portefeuille, dit le rapport de Tallien à la Convention, aucun papier qui pût donner des renseignements sur son compte, on le déshabilla et l’on trouva sur son estomac deux papiers que nous ne vous représenterons pas en ce moment, parce qu'ils sont teints du sang de ce scélérat et que nous ne voulons pas meltre sous vos yeux ce spectacle dégoûtant. »

‘ Cette particularité, que je tiens de M. Lefèvre, lui avait été racontée par plusieurs habitants de Forges, et entre autres par M. Antoine Crespin, ancien maire du pays. Ce dernier, qui avait alors vingt ans, avait été requis extraordinairement par le juge de paix, pour servir de secrétaire greffier.