Lepeletier de Saint-Fargeau et son meurtrier : documents inédits

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Ces pièces étaient un extrait de baptême, au nom de Michel-Antonin de Pâris et son congé de licenciement de garde du roi, compagnie de Coriolis, en date du 1° juin 1792; au dos de ce brevet étaient écrits, de la main du meurtrier ces quatre vers attestant qu'il avait ‘dès l'abord, fait le sacrifice de son existence :

« Peuple dont les forfaits jettent partout l’effroi,

« Avec calme et plaisir j’abandonne la vie;

« Ce n’est que par la mort qu'on peut fuir l'infamie « Qu'imprima sur nos fronts le sang de notre roi. »

De Pams L’ainé, garde du roi, assassiné par les Français.

Les deux conventionnels délibérèrent sur ce qui serait fait du cadavre. On a dit que Legendre insista pour qu'il fût traîné sur la claie jusqu’à Paris ; je n’en ai point trouvé la preuve. Le rapport fait à la Convention dit seulement :

« Plusieurs citoyens de la commune de Forges paraissaient désirer que nous fissions transporter le cadavre à Paris ; mais nous avons cru celle mesure inutile. Nos lois nouvelles, la douceur des mœurs françaises ont proscrit à juste titre usage barbare d’exposer aux regards de la multitude le corps d’un suicidé. »

« Après mûres réflexions, lisons-nous dans le registre de Forges, il a été arrêlé, de l'avis des citoïens commissaires, que le cadavre serait laissé à la disposition de la municipalité, pour par elle en être fait ce qu’elle avisera être le plus convenable*.

Or, voici ce qu'un procès-verbal, dressé à ce sujet, constale :

« Pu premier février mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deuxième de la République française, le Conseil général de la commune de Forges, en permanence en la maison commune, délibérant sur la détermination prise par les citoyens Tallien et Legendre, commissaires de la Convention nationale, par laquelle ils ont laissé le cadavre de Päris à la disposition de la

1 En raison de l'émotion extraordinaire causée par l'assassinat de Saint-Fargeau, l'impression du rapport des deux commissaires fut ordonnée « afin de détruire l'effet qu'auraient pu laisser les doutes répandus sur la mort de Päris.» Cette publication, dont un exemplaire existe à la Bibliothèque nationale, ne donne, en annexes du rapport, que trois des nombreuses pièces contenues dans le registre de Forges; elle est datée du 5 février 4795 et intitulée : Rapport des commissaires envoyés à Forges-les-Eaux, département de la Seine-Inférieure, pour conslater les faits nelatifs au suicide de l'assassin Päris, par J.-L. Tallien.

Si probante qu’elle füt, cette publication ne suftit pas à dissiper les doutes; le frère même de Lepeletier a longuement raconté que Päris s'était dérobé aux poursuites et avait été vu, en 1804, à Genève. Le suicidé de Forges aurait été nn individu portant, on ne sait comment ni pourquoi, les papiers de Pâris. « Quels mystéres! » s'écrie en terminant Félix Lepeletier.

(Œuvres de Michel Lepeletier, p. 19-416.)