Les derniers jours d'André Chénier

296 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER

famille déjà établie depuis longtemps dans les privilèges de la robe et dans les grades de l’armée, Hérault de Séchelles, le bel Hérault, comme l'appelaient ses amis et surtout ses amies, était le modèle du jeune magistrat à la mode. C'est peut-être en le voyant: revenir des courses, par les Champs-Élysées, au rythme des vigoureux trotteurs attelés À son élégant wisky, que Sébastien Mercier, l’auteur du Zaë/eau de Paris, a griffonné cette note : « Un jeune magistrat ne craint rien tant que de passer pour ce qu'ilest. Il parle chevaux, spectacles, histoires de filles, courses. Il rougit de connaître son métier, et jamais un mot de jurisprudence ne sortira de sa bouche. Il égaye le plus qu'il peut son habit noir ». Eh! oui, dans les temps difficiles, on ne s'ennuie jamais.

Le moyen de s’ennuyer, lorsque, du haut en bas de la hiérarchie sociale, on entrevoit des lézardes, on sent le craquement d'une société qui se détraque? On s'amuse éperdument. Sait-on si l'on aura longtemps encore le moyen ou le loisir de s'amuser?

Jeune et printanière, spirituelle etenjouée, Aimée de Coigny mit dans la prison de Saint-Lazare un rayonnement de gaieté. Ses robes de batiste fraîche ou de mousseline vaporeuse étaient des sujets d'entretien pour ses compagnons et pour ses compagnes. André aimaïit la beauté parce qu'il la considérait comme la partie divine de la nature humaine. Il ne négligeait aucun détail esthétique. On trouve, dans ses papiers, cette note : « Peindre une jolie petite jambe et un petit pied, entouré de la chaussure grecque. » Aimée. pu lui plaire à certains moments, Avait-il ce qu'il fallait pour être payé de retour?

Bien qu'ileût été secrétaire d'ambassade à Londres, il était moins homme du monde qu'homme de tribune. Pour le public, il était moins connu comme poète ami des sauterelles et des « vertes vigales », que comme