Les derniers jours d'André Chénier

LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ GHÉNIER 303

times de la folie sociale, ils sont destinés à souffrir pour le bon sens, pour la justice et pour la liberté, La psychologie des foules nous apprend que, dans l’évolution des peuples, il y a un éternel conflit de passions extrêmes et adverses dont la lutte formidable écrase les meilleurs et les plus purs.

Commé un dernier rayon, comme un dernier zéphire Animent la fin d'un beau jour,

Au pied de l’échafaud j'essaie encor ma lyre, Peut-être est-ce bientôt mon tour

Avant que de ses deux moitiés

Ce vers que je commence ait atteint la dernière, Peut-être en ces murs effrayés

Le messager de mort, noir recruteur des ombres,

Escorté d’infâmes soldats Remplira de mon nom les longs corridors sombres...

Que son dessein était généreux! Comme les héros, comme les poètes de l'antiquité et de la Renaissance, il aima la beauté, l'harmonie, l’eury#hmie jusqu’à vouloir que ces souverains biens fussent le premier apanage de la cité moderne, rebâtie ou réparée avec les marbres sacrés de la cité antique. Grand poète et citoyen libre, il a vécu pour son art, et il est mort pour la liberté. En donnant son sang à la cause éternelle de la justice, il confessa héroïquement sa foi. Résolu à maintenir les relations nécessaires de l’art et de la vie, obstiné à vouloir que le poète fût un bienfaiteur public, il a conçu le noble rêve de faire intervenir la poésie dans la politique... Il a voulu dire son mot dans une bataille sociale où l’on ne pouvait, sans péril, énoncer une opinion courageuse. Il a dit tout haut, à ses risques et périls, son avis sur les redoutables problèmes qui, autour de lui, occupaient la conscience des justes et l'esprit des sages. Un même principe réglait sa conduite et dominait son art.