Les derniers jours d'André Chénier

er f.

306 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER

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Cet invraisemblable dossier, gros d’inepties, longtemps caché par des amis dévoués, et sans doute sur la demande de son frère Marie-Joseph, sous les piles . amoncelées dans le greffe du tribunal révolutionnaire, avait fini par sortir. Les garanties légales des accusés ayant été supprimées, il n’y eut point de défenseur pour en faire ressortir la meurtrière absurdité. Condamné à

- mort sans débat, sans jugement, André Chénier s’achemina vers la dernière étape de son calvaire.

Quelle dut être la mélancolie suprême du poète, se rappelant peut-être ces vers douloureux dont le tragique inachèvement évoque tout un drame passionné :

Que jamais la beauté ne daigne lui sourire, ee Qu'il meure, qu’il expire

Sans que Délie en pleurs...

Veuille arrêter son âme, ou partir avec lui, Sans que.

Sans que pâle et mourante elle suive son deuil, Sans que le voyageur pleure sur son cercueil, Et souhaite, en quittant cette terre étrangère, Qu’à ses mânes heureux la tombe soît légère.

Le bon Roucher fut le compagnon des dernières angoisses. Sur la charrette on lui avait donné le premier rang, en le qualifiant de « chef de la conspiration de Saint-Lazare », lui, le brave homme doux et résigné, qui, jusqu’au He moment, avait essayé, dans la cellule où ses enfants venaient le voir, d’attendrir, à force d’obéissance, la rigueur des porte-clefs.

La charrette mit longtemps à atteindre le lieu du supplice. Les comités avaient changé l’échafaud de place, parce que les commerçants de la rue Saint-Honoré étaient las de voir passer, tous les jours, le cortège funèbre, et fermaient boutique sur le passage des charrettes. La guillotine fut transportée à la barrière de