Les derniers jours d'André Chénier
LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER 201
cachots! C’est la ravissante Delphine de Sabran, marquise de Custine, jeune veuve de vingt-quatre ans, emprisonnée après avoir assisté à la condamnation de son père et de son mari... C’est la duchesse d’Aiïguillon, Mme de Lameth et ses deux filles, la princesse de Monaco, Lucile Desmoulins.. C’est aussi cette jeune créole, venue de loin comme un oiseau des Iles, Joséphine de Beauharnais, épouse d’un gentilhomme libéral avant d’être impératrice des Français, et qui, aux Carmes de la rue de Vaugirard, du fond d’un cachot encore taché de säng par les massacres de septembre, faisait savoir, chaque matin, au général Hoche, par un savant jeu de miroirs, le nombre des têtes qui allaient à l’échafaud... C’est enfin Aimée de Coigny, la Yeune Captive, enfermée à Saint-Lazare, avec le poète André Chénier.
« Chénier, nous dit M. Étienne Lamy, Chénier, arrèté dix jours après elle, fut pendant quatre mois son Compagnon de captivité. Le chant de pitié que la prisonnière inspira au poète fut-il un aveu d'amour? » Faut-il voir, tout simplement, dans le poème de la Jeune Captive, une sorte de réverie esthétique, une de ces confidences que les poètes aiment à révéler au public tout entier?
L'amour n'avait pas le temps d'attendre, sous le couteau. Mais pour l'aimer vraiment, il eût fallu que .ce jeune homme, précocement grave, fût capable d’'estimer une coquette. Il eût fallu que cette coquette fût sensible à l'attrait, un peu austère, d'un homme sérieux.
Cette femme, rencontrée par hasard, qui demeure immortelle sous le surnom, si touchant, de la Yeune Cap-
five, était, en effet, toute jeune. A peine âgée de vingt- |
quatre ans, elle était belle, d’une beauté souvent célébrée déjà par la chronique légère, et volontiers scandaleuse, de la cour et de la ville. Sa vie, qui ne comptait qu'un petit nombre d’années, était cependant riche en