Les philosophes et la séparation de l'église et de l'état en France à la fin du XVIIIe siécle

LES PHILOSOPHES ET LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT. 9

l'existence de l'âme humaine, de supposition plus absurde encore l'existence d’une âme immortelle. Il fait de la morale chrétienne une critique formidable. Il conteste, avec des arguments très forts, cette prétendue vertu sociale des religions, tant vantée par Voltaire et par Montesquieu : « Les caresses d’une femme l’emportent tous les jours.sur les menaces du Très-Haut. Une plaisanterie, un ridicule, un bon mot font plus d'impression sur l'homme du monde que toutes les notions graves de sa religion. Vous dites que la religion est bonne pour le peuple, pourquoi done ce peuple est-il donc si vicieux et si dépravé{? »

Et pourtant, ce rude destructeur d'idoles est singulièrement timide et réservé dans ses conclusions pratiques. Ce plébêien ne croit pas ses vérités utiles à dire aux siens :

On demandera peut-être si l'athéisme raisonné peut convenir à la multitude. Je réponds que tout système qui demande de la discussion n'est pas fait pour la multitude... Les arguments d'un athée ne sont pas plus faits pour le vulgaire, qui jamais ne raisonne, que les systèmes d’un physicien, les observations d’un astronome, les expériences d’un chimiste, les calculs d’un géomètre, les recherches d’un médecin, les dessins d’un architecte, les plaidoyers d’un avocat, qui tous travaïllent pour le peuple à son insu. Ce serait une entreprise folle que d'écrire pour le vulgaire, que de prétendre tout d’un coup le guérir de ses préjugés. On n'écrit que pour ceux qui lisent et qui raisonnent?,

A la bonne heure, Voltaire comprenait ce langage, et on s'explique qu'il ait publié le Testament.

Le programme pratique de Meslier ne diffère pas essentiellement de celui de Voltaire. Il se résume en ces mots : utiliser les ., en leur faisant accomplir des tâches raisonnables.

. Entre les mains d’un gouvernement éclairé, les prêtres doreniesiont les plus utiles des citoyens. Des hommes, déjà richement stipendiés par l État et dispensés du soin de pourvoir à leur propre subsistance, auraient-ils rien de mieux à faire que de s’instruire eux-mêmes afin de se mettre en état de travailler à l'instruction des autres®?.…. » Faire servir habilement les prêtres au progrès de la philosophie, telle était toute la politique du curé

Î. Le bon sens du curé de Meslier, éd. Drevet, p. 146. 2 Ibid., p. 166. 3. 1bid., p. 161-163.