Les Régicides

LES RÉGICIDES 32

personnage énigmatique, qui avait voté contre l'appel et qui émit dans le scrutin final un vote conditionnel et par conséquent nul.

Sur toutes les questions, bon nombre de Girondins se sont ralliés, tantôt les uns, tantôt les autres, au groupe bien organisé et alors bien concentré des Montagnards, et ont décidé la victoire en sa faveur. Comment s’en étonner, quand on voit quelles directions opposées ont prises dans la suite certains Girondins,depuis l’évêque Huguet,qui devint le complice de Babeuf et fut fusillé pour avoir pris part à l'attaque du camp de Grenelle, jusqu'à cet Aubry, officier comme Carnot et son indigne successeur, qui fut déporté après le 18 fructidor; il avait mérité cet éloge infamant d’un écrivain royaliste : « Il favorisa les plus ardents ennemis de la révo« lution et suivit constamment un système tendant au réta« blissement des Bourbons (1). »

Thiers a vu dans les Girondins pris en bloc des « républicains sincères »; Mignet a pensé qu’ils avaient été « forcés par les événements de devenir républicains » et que « ce qui leur convenait le mieux, c'était de rester constitutionnels ». L'un et l’autre ont trop généralisé ; on ne peut appliquer le même jugement à tous les membres d'un parti composé d'éléments si disparates. C'étaient les Girondins qui les premiers avaient parlé de république ; quelques-uns, comme Vergniaud, Ducos, Boyer-Fonfrède, étaient républicains, mais non pas démocrates; ils aimaient la liberté plus que l'égalité; détestant les privilégiés mais non les privilèges et redoutant surtout la concentration du pouvoir et la prédominance de Paris; c’est ce qui les fit accuser d’être les partisans du fédéralisme que du reste Gorsas prônait ouvertement dans son journal. D’autres comme Petion, Gensonné, Louvet, regrettaient la monarchie constitutionnelle et ne répugnaient pas à la voir rétablir, sinon avec Louis XVI, du moins avec son fils ; la régence paraît avoir été le rêve de Brissot. Quelques-

(1) Dict. de Feller.

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