Michelet et l'histoire de la Révolution française

24 MICHELET. — HISTOIRE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE

et de travaux de détail excellents parus, surlout en Allemagne, mais aussi en France, en Russie, en Angleterre depuis 4860 ; et d’ailleurs, comme on ne peut pas tout faire, il valait mieux dépouiller à fond la série des documents français que de parcourir, comme l'a fait Sybel d’une manière incomplète, les archives de toutes les capitales.

L'ouvrage de Sorel à commencé à paraître en 1885; il était achevé en 1905 en huit volumes, et l’auteur mourait un an à peine après avoir dit son Æxegi monumentum, laissant une œuvre d'une importance vraiment capitale. On a pu lui reprocher de n'avoir pas apporté une eritique aussi rigoureuse à la partie de son œuvre relative au Directoire, au Consulat et à l’Empire qu'à la période de 1785 à 1796, et d'avoir trop cédé à la tentation de ramener tous les événements à une cause unique : la jalousie de l'Angleterre, qui aurait contraint Napoléon à poursuivre sans relâche ses guerres el ses conquêtes ; mais la partie de son œuvre qui a rapport à la Révolution même dans laquelle il montre Pétroite solidarité qui relie les idées et les actes du gouvernement révotionnaire aux traditions de lañcien régime, est d’une solidité inattaquable. M. Sorel, à la différence de M. de Sybel, a indiqué toujours ses sources, sommairement, maïs suffisamment.

Par une heureuse coïncidence, presque au moment même où M. Sorel commençait à publier cette histoire diplomatique de la Révolution, où la psychologie des hommes et du peuple tenait une si grande place, M. Chuquet commençait lui aussi, en 1886, la publication de ses 12 volumes sur les Guerres de la Révolution, auxquels est venue se joindre une série d'études de détail, qui ont renouvelé l’histoire militaire de cette époque et l’ont fixée par une connaissance des plus complètes, des plus sûres, de toutes les sources originales, françaises et étrangères.

Pendant que M. Chuquet étudiait à fond un des côtés de l’histoire révolutionnaire, sans se permettre d’incursion en dehors du domaine qu'il avait choisi, ni aucune généralisation sur l’histoire politique et sociale, et que M. Sorel traitait à fond également l'histoire diplomatique, mais en en montrant, comme il était nécessaire, son lien étroit avec l'histoire intérieure de là France, un autre historien, M. Taine, entreprenait, par la même méthode, c’est-à-dire en recourant aux textes originaux et en scrutant les archives, de donner, lui aussi, un ouvrage d'ensemble sur la Révolution. Ayant commencé son lravail au lendemain de la guerre de 1870, M. Taine en publiait le premier volume en 4881 ; le cinquième paru de son vivant est de 4891 ; le sixième et dernier, demeuré incom- : plet, n’a paru qu'après sa mort, en 1894. L'ouvrage de Taine a été, l'an dernier, l’objet d’une critique très acerbe dans le volume de M. Aulard, intitulé Taine historien ; il a été défendu avec habileté par M. Augustin Cochin dans son petit livre : Taine et M. Aulard : La crise de l'Histoire révolutionnaire, M. Aulard n’a vu dans le livre de Taine qu'un pamphlet antirévolutionnaire, fondé sur une étude superficielle et inexacte des documents d'archives, et aussi peu scientifique et instructif que les pamphlets royalistes de la Restauration. Il y a là une très grande exagération et une très grande injustice. Taine était parfaitement exempt de tout préjugé, soit religieux soit monarchique ; son livre ne ressemble'en rien aux récils passionnés el tendancieux d’un Lacretelle, d’un Fantin Desodoards ou d’un Beaulieu, pas plus qu'aux livres’'de Granier de Cassagnac. Si l’on voulait trouver un ouvrage à comparer au sien, il faudrait