Mirabeau

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en lui, dans tous les moments de son orageuse existence, au milieu des épreuves les plus pénibles, le généreux défenseur de tous les opprimés, de toutes les victimes de l'arbitraire, et l’ardent adversaire du despotisme. Cela nous explique déjà en partie le Mirabeau de la Révolution, le prodigieux tribun que nous allons voir; mais ce serait se tromper que d'en conclure que celle-ci ne trouva en lui qu'un patricien révolté, tout prêt à renverser la monarchie. Tel n’était pas le vrai Mirabeau à la veille même de la Révolution, tel il ne fut à aucune époque. En le montrant ce qu'il fut en réalité, du commencement à la fin, je réfuterai par-là même l'accusation d’apostasie ou de trahison qui lui à été adressée (1).

Voyons d’abord quelles idées il exprimait à la veille de la Révolution, au moment de la convocation des Etats généraux. Il voulait une Constitution. « Une Constitution, S'écriait-il dans une suite de la dénonciation de l’agiotage (publiée en 1788), voilà la base de toute économie, de toute ressource, de toute confiance, de toute puissance. » Mais quelle Constitution ? Ce n’était pas une Constitution républicaine : il la jugeait incompatible (il le dit formellement dans une lettre à son père) avec l’état du pays. Il voulait (comme il le dit dans une autre lettre à son père, 16 nov. 1788) tuer le despotisme ministériel, mais enmême

(1) Barni se rencontre sur ce point avec Proudhon, qui écrivait dans le second volume (p. 406) de Za Justice dans la Révolution et dans l'Église : «Mirabeau, dont le jacobinisme voudrait effacer le nom de nos fastes révolu= tionnaires, Mirabeau, pensionnaire secret de Louis XVI, ne fut point apostat, On peut l'accuser d'inconduite et désapprouver une tactique dans laquelle entrait la stipulation de ses intérêts personnels ; il ne vendit pas sa pensée et Sa Conscience ; il ne se prosterna jamais devant l'absolu ; il le forca, au contraire, de ployer devant son programme, qui n’était autre que la Révolution pour principe avec la monarchie constitutionnelle pour organe. Mirabeau voulait fortement une chose dans laquelle l’absolu n'entrait réellement pour rien : l'unité monarchique, comme résultant de la pondération des forces sociales. Le nom de Mirabeau est synonyme de monarchie domptée : il n'y

paraît nulle part autant que dans sa correspondance avec M. de La Marck, » (Note de la Direction.)