Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

DE L'AVÉNEMENT DU ROI LOUIS A LA BATAILLE D'IÉNA. x

des révolutions répétées. Mais, en dépit de cette lassitude, la nation tenait à son indépendance; ce sentiment semblait même le seul qui eût survécu avec énergie aux affaissements de l'esprit public (1). Or, cette indépendance , elle la conservait, nominalement du moins, avec le nouveau régime. Le traité du 24 mai la lui garantissait expressément ; il stipulait en outre que les couronnes de France et de Hollande ne seraient jamais réunies sur la même tête. Que l’idée d’incorporer la Hollande à l'empire ait alors traversé l’esprit de Napoléon, cela n’est pas douteux. Plusieurs fois, dans le cours des pourparlers qui aboutirent au traité du 24 mai, il prononça le mot d’annexion (2). Mais on pouvait supposer que ce n’était là qu'une menace qu'il eût peut-être hésité à exécuter (3). Doit-on croire, comme il le déclarait plus tard (4), qu’en s’abstenant alors de réunir la Hollande à la France, il fut touché de l’idée généreuse de

(1) Le 12 fructidor an XII (30 août 1804), alors que Napoléon pensait déjà à introduire des changements dans la constitution de la République batave, et que sans doute on pouvait craindre qu'il n'eût l’idée de réunir la Hollande à l'empire, l'amiral Ver Huell lui écrivait : « Quel que soit le gouvernement que V. M. donne à la Hollande, pourvu que le pouvoir exécutif soit plus concentré et que le pays se gouverne par lui-même, toute la nation sera éternellement attachée à V. M... Je n'ai que trop vu, pendant mon dernier séjour à la Hayé, que même l’apparence de l'indépendance que la Hollande a conservée lui est encore si chère, que cette perte aurait des suites funestes pour le pays. L'industrie particulière aux Hollandais de lutter éternellement contre un élément auquel ils ont arraché leur pays leur fait peut-être mettre un si haut prix à leur indépendance. Par tout ce que j'ai pu voir et ce que je connais de ma nation, ils seront de nouveau, une fois bien gouvernés, les plus fidèles aZäés de V. M., pendant qu'ils seraient peut-être de très-mauvais sujets. » (Archives nationales.)

(2) Voir, Annexe n° 2, la lettre, déjà citée, de l'empereur à Talleyrand en date du 14 mars 1806.

(3) Le décret préparé d'avance, et dont Napoléon eñt fait usage, au besoin, pour proclamer son frère roi de Hollande, peut être une preuve que cette menace d’annexion avait surtout pour but de hâter la fin des pourparlers.

(4) Voir, dans ce volume, une lettre de Napoléon à Louis, du 21 déc. 1809, p. 228.