Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

XIV NAPOLÉON I* ET LE ROI LOUIS.

laisser l'indépendance à un peuple estimable (1)? Obéit-il, comme 1l le prétendait aussi, au besoin de ménager la Prusse, non encore soumise par ses armes et qui, dans des négociations antérieures à la bataille d’Austerlitz, avait stipulé l’indépendance de la Hollande, sans préciser, il est vrai, sous quelle forme cette indépendance devait être maintenue (2)? Des motifs plus personnels guidèrent sans doute Napoléon. En plaçant son frère sur le trône, il espérait dominer par lui plus sûrement la Hollande que par le grand-pensionnaire, qui s’était montré quelquefois rebelle aux exigences impériales; il obtenait ainsi les avantages de l’annexion (3), et en même temps réalisait la pensée, où semblait alors se complaire sa vanité, d'imposer ses proches comme souverains à l’Europe. On sait que, le 30 mars 1806, il avait proclamé son frère Joseph roi de Naples, et sa sœur Pauline Borghèse duchesse de Guastalla ; quinze jours auparavant, il avait fait grand-duc de Clèves et de Berg son beau-frère Joachim Murat, et, sous peu, son frère Jérôme allait devenir roi de Westphalie. Quant à croire, comme on l’a dit, que le dessein de réunir la Hollande à l'empire était dès lors arrêté dans la pensée de Napoléon (4), qu'il suivit durant quatre années l’exécution de ce projet, et que le trône accordé au prince Louis ne fut qu'un moyen de préparer les voies, c'est à nos yeux une opinion que contredit l'étude at-

(1) Napoléon au duc de Cadore, oct.-nov. 1809, p. 222.

(2) Thiers, Hist. du consulat et de l'empire, t. VI, p-53:

(3) Plus tard, quand l'annexion fut accomplie, l’empereur disait à une députation du commerce de Paris qu'à la paix de Presbourg il voulait déjà réunir la Hollande, mais qu'il ne le fit pas de peur de déplaire à la Prusse qu'il tenait à ménager. (« Je la réunis cependant de fait, ajouta-t-il, j'y envoyai mon frère. » Nous empruntons cette note à M. Albert Réville, qui l’a empruntée lui-même à un ouvrage hollandais.

(4) Telle paraît être l'opinion de M. Albert Réville.