Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales
XVI NAPOLÉON Ie ET LE ROI LOUIS.
était dévoré du désir de régner. Assurément il ne se montra pas indifférent au don de la royauté; mais si par la suite il sembla trop faire pour la conserver, il ne fit rien du moins pour l'obtenir. Napoléon le tint même éloigné des négociations dont le résultat était de l'appeler au trône (1), soit qu'il jugeât inutile d’initier son frère à des difficultés dont il voulait être seul à diriger la solution, soit peut-être qu'il craignît que la connaissance de ces difficultés n’alarmât la conscience d’un homme dont il savait les scrupules. Louis ignora ainsi, dès le début, l'opposition qu'avait rencontrée en Hollande l'établissement de la monarchie et put un moment se croire appelé par le vœu de la nation. Habitué à condescendre aux volontés d’un frère qui avait longtemps pris soin de son éducation et par cela même acquis sur lui une autorité particulière, il accepta le trône avec des sentiments où entrait une part d’obéissance. Il vit aussi dans cette royauté des devoirs nouveaux qui feraient diversion à ses chagrins domestiques. Ne se rendant pas compte des difficultés intérieures qu'il allait rencontrer, commettant l'erreur de croire que la bonne volonté d’un prince peut suppléer dans un pays à des institutions, il se laissa séduire par la pensée de se consacrer au bien de deux millions d'hommes dont le sort lui était confié (2). Il ne douta pas que son frère ne consentit à l’aider dans cette honorable mission, tandis qu’en réalité Napoléon voyait en lui moins un roi qu'un vassal et ne le gratifiait de la couronne qu’à la condition de disposer par lui de toutes les ressources dela Hollande. De là, entre les deux frères, un principe de désaccord que les circonstances n’allaient pas tarder à mettre en lumière.
Le 15 juin 1806, Louis partit de Saint-Leu pour se rendre
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(1) Docum. histor., t. I, p. 122. — Thiers, Hist. de cons. et de l'emp. t. VI, p. 48€. (2) Docum. histor., t. I, p. 124, 254.