Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

DE LA BATAILLE D'IÉNA AU TRAITÉ DE TILSITT. XXXI

colonies, la Hollande deviendrait forcément une province de l'empire français; car, en acceptant la couronne, le prince Louis avait exprimé formellement son intention d'y renoncer si les colonies n'étaient restituées à la paix générale (1). » Or Louis n'avait rien dit de semblable. Il pouvait sans doute supposer que Napoléon, en lui prêtant ce langage, avait voulu peser sur les négociations. Il n’en est pas moins vrai que de cet écrit, coïncidant avec les déclarations de Dupont-Chaumont, ressortait à son égard une sorte d'incertitude dont il avait le droit de se sentir offensé. En même temps, il eut connaissance de bruits de démembrement, d’après lesquels les provinces du Brabant et de la Zélande devaient être détachées de la Hollande et réunies à la France (2). Ces bruits étaient-ils un écho des mtentions de Napoléon, ou seulement une menace à l'adresse de l'Angleterre? On ne sait; ils parurent toutefois assez sérieux pour que Louis demandât à son frère l'autorisation de les démentir publiquement (3).

Sur ces entrefaites éclata l'orage du blocus continental. On connaît les dispositions aussi hardies qu'impolitiques du décret - rendu à Berlin le 21 novembre 1806. Napoléon ne se contentait pas d'interdire en France, et dans les pays alliés de la France ou occupés par ses armées, tout commerce avec l’Angleterre. Les marchandises d’origine anglaise devaient être confisquées, les propriétés appartenant à des sujets anglais saisies, les lettres venant d'Angleterre interceptées ; les bâtiments suspects d’avoir touché un port anglais étaient déclarés de bonne prise ; enfin tout Anglais saisi soit en France, soit

(1) Docum. histor., t. I, p. 253.

(2) Louis à Napoléon, 21 novembre 1806, p. 78.

(3) Napoléon, dont ces bruits favorisaient la politique, ne répondit rien sur ce sujet.