Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

XLII NAPOLÉON I: ET LE ROI LOUIS.

gent et d'hommes pour accomplir ses desseins, Napoléon eût voulu que la Hollande lui sacrifiât, avec son or, le sang de ses” citoyens ; Louis ne livrait qu'à demi et par force la fortune du pays, détestait la guerre, et respectait à ce point la vie humaine qu'il eût désiré abolir la peine de mort dans ses États (1). Enfin cette compression que Napoléon exerçait sur le commerce des peuples ne révoltait pas seulement chez Louis ses sentiments naturels de douceur, mais sa raison. Il croyait qu’en cette matière la liberté était une condition de richesse. Un de ses vœux était de faire de la Hollande un vaste port franc ouvert à tous les peuples du monde (2) ; et peut-être partageaitil les idées de Schimmelpenninck conseïllant un jour au premier consul d’opposer aux vexations de l'Angleterre une grande liberté de commerce qui, mieux que la force, eût coalisé contre elle toutes les nations (3).

Certes, si les esprits en France eussent montré moins de légèreté que de jugement, il y avait, dans ces dispositions d'un roi dont on se plaisait à railler la faiblesse, de quoi faire oublier des fautes dues à l’inexpérience. Mais ce n'étaient point là ses seuls titres à l'estime. Se guidant sur les inspirations de sa conscience et de son cœur, Louis s'était dit qu'étranger à la Hollande, il ne pourrait y être souffert, aimé peut-être,

(1) Docum. histor., t. I, p. 225, 226. Napoléon traitait ces généreuses inclinations de manie d'humanité. Napoléon à Louis, 29 juillet 1806, p. 15.

(2) Docum. histor., t. IT, p. 60.

(3) Voy. sur ce sujet le travail de M. Albert Réville. Schimmelpenninek exprimait ces idées dans le moment où il était ambassadeur à Paris. « Alors, disait-il à Bonaparte, toutes les marines secondaires, le commerce du monde entier n'auront que des sympathies pour la France, et partout, d'Archangel au Cap, de New-York à Lisbonne, partout des haines profondes, qui feront explosion à la fin, s'amasseront contre l'Angleterre. — Non, mon cher, lui répondait Bonaparte, en le frappant sur l'épaule, vous croyez à des chimères : il n’y a, pour faire la guerre, que les flottes et les armées. »