Oeuvres diverses

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et la réaction elle-même avait pris en dégoût ces dociles instruments. Après s’en être servie, elle les dédaigne.

Reniré dans la vie privée, spectateur froid et intact des maux qu’il avait préparés, sourd à tout enseignement, muré dans l’amour-propre et l’égoisme, Pagès éleva, pour la plus grande gloire de ses trahisons, un monument, le plus sanglant de tous les témoignages. Yest l’histoire écrite par les politiques déchus, du fond de leur retraite, pour masquer leurs rides, farder leurs visages et leurs actions, surprendre la postérité.

Toutes les histoires de 1848 sont les mêmes, depuis Louis Blanc jusqu’à Daniel Stern. Elles soutiennent la République comme la corde soutient le pendu et n’ont qu'un but : l’outrage à la Révolution. Mais l’histoire de Garnier-Pagés se distingue par son lyrisme et sa perpétuelle fanfare. Rien de comparable à ce Prudhomme qui triomphe de ses fautes, exalte ses trahisons et pousse des cris de joie en présence des ruines.

Enumérant la plus splendide liste de traitres, il s’écrie avec l'accent d’un inspiré (1) :

« La République, je me plais à le redire pour ses « destinées futures, pour la gloire de la France qui « l’acclama spontanément, pour l'honneur de tous ceux « qui la soutinrent de leurs adhésions fut l'ancre de « salut au milieu de {a tempête (Garnier désigne ainsi « la Révolution de Février). »

L'illustre historien, et c’est tout naturel, oublie le peuple, ce malappris qui « simaginait avoir fait la « révolution pour lui seul (2) ». On lui prouva le contraire. Garnier n’a aucune notion des boucheries de Rouen, de Juin et de leurs suites. S'il rencontre sous sa plume

(1) Tome VIII, page 244. (2) Rapport de la Commission d'enquête. Déposition de Garnier-Pagès,