Orateurs et tribuns 1789-1794

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drais le plaisir de vous entendre. — Quant à moi, monsieur, je regretterais encore davantage de vous mettre sur le carreau; si vous me tuez, j'aurai au moins des successeurs à la tribune; mais si je vous tue, ce sera à mourir d’ennui lorsqu'il faudra écouter quelqu'un des vôtres. »

Cazalès tombe frappé au front. Son premier cri fut : e Eh bien, je suis ici pour cela. » Le médecin accourt, examine la blessure et prononce : ce ne sera rien. Cazalès répète son exclamation ; mais, craignant d’avoir montré trop d'intérêt pour lui-même, il ajoute aussitôt : « C’est la bête qui parle. » Apercevant Théodore de Lameth qui se tenait à l'écart, il demande à Alexandre pourquoi son frère ne s’approche pas. « Parce que vous n'avez qu'un témoin, Barnave ne saurait en avoir deux. — Est-ce que des gens comme nous ont besoin de témoins, si ce n'est pour les ramasser? Ne le sont-ils pas d’un côté comme de l'autre?» La voiture de Lameth, meilleure que la sienne, lui ayant été offerte, il refusa d’abord, puis se ravisant : « Oui, je l’accepte, il faut que ce soit ainsi. »

Naturellement, les princes émigrés accueillirent fort mal un homme qui ne demandait jamais les idées des autres, et commandait les siennes. De sa vie, prétend Montlosier, il n’a interrogé personne, ni sur ce qu'il avait à penser, ni sur ce qu'il avait à faire. Ses amis étaient des compagnons, quelquefois des instruments: : jamais des conseils, d’ailleurs il leur inspirait une con-