Sénat : Session ordinaire de 1911 : Séance du mardi 28 mars

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position de loi

: —— DISCUSSION DES CONCLUSIONS DU -RAPPORT DE LA 3° COMMISSION DES PÉTITIONS M. 18 président, L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport fait-au nom de la 3° commission des pétitions, chargée d'examiner la pétition (n° 44, année 1910) de M. Charles-Louis de Bourbon.

: La commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice. La parole est à M. de Lamarzelle.

* M.de Lamarzelle. Messieurs, il convient tout d'abord de savoir ce que l'on exige du Sénat, Je dis que c'est important, parce que les termes de la pétition prêtent. à équivoque. En effet, ce que nous demande le pétitionnaire c’est, dit-il, la réintégration dans sa nationalité perdue. Je ne dis pas le contraire, mais la réintégration dans ia nationalité ne vient ici que par voie de conséquence, car, pour être réintégré dans la qualité de Français, il est clair qu’il faut avoir perdu cette qualité (Sourires approbalifs) et il faut, par conséquent commencer par démontrer qu'on a été Français. Or, comment le pétitionnaire prouve-t-il qu'il a été Français ? Par la prétention qu'il émet que son grand-père était fils de Louis XVI. La question que vous aurez à discuter est donc celle de savoir si, oui ou non, Naundorff, le grand-père du pétitionnaire actuel, était véritablement le fils de Louis XVI. Très loyalement, d'ailleurs, la commission, par l'organe de son rapporteur, nous dit dans son rapport : « ...et pour prouver que leur père était Français, j'aià démontrer qu'ilétait fils de Louis XVII ». Ille répète encore dans un autre passage. Je ne veux pas fatiguer le Sénat par mes citations; mais enfin, ce qui est incontestable, c’est que la question en cause est

_ celle de Naundorff-Louis XVII.

—Naundorff, le grand-père, qui se prétend Louis XML, était-il véritablement le fils de

Louis XVI? C'est la question historique à

laquelle on vous demande de ÿfépondre affirmativement ? Ce qu'on demande au Sénat, et ceci est hors de doute, c'est de prendre parti sur la question Louis XVII, (Très bien! très bien! à droile) non seulement sur le fait de la survivance, mais sur le point de savoir si oui ou non Naundorff, celui qui se prétendait Louis XVII, était réellement Louis XVIL Il est vraiment inutile d'insister là-dessus ; le rapport, du reste, en convient, quand il dit, page 62 : «Le Sénat de la République accomplira la plus belle tâche qu’il ait jamais vue s'imposer à sa haute décision. » Par conséquent, je crois qu'il est impossible de nier ce fait: ce qu'on vous demande c'est, je le répète, de prendre parti sur l+ question Naundorff-Louis XVIL Donc, ce qu'on sollicite de nous tout d'abord c'est la réformation d’une décision unanime de ce que le rapport de la commission appelle les historiens officiels. Le rapporteur déclare, en effet, qu'il a eu beau Ahercher parmi tous les professeurs actuels d'histoire et qu'il n’en a pas trouvé un seul sn reconnaisse à Naundorff la qualité de fils e Louis XVI. Le rapporteur cite seulement

‘M. Mallet, professeur d'histoire au lycée

ont pas na

plement évasionnistes. (Sou-

Jr divers bancs.) n dehors des historiens officiels, voici a constatation que je lis dans un article : « Sauf Louis Blanc qui s'était laissé émouvoir par lès premiers manifestes du soi-

.disant duc de Normandie et qui s’est borné.

à émettre quelques doutes, aucun historien de la Révolution n’a donné dans les fables contradictoires, inductions, déductions, raisonnements à perte de vue (et de raison) où s’ébattent les partisans de la survivance de Louis, X VII. Ni Thiers ni Mignet, ni Villiaume, ni Michelet, ni Henri Martin, ni Quinet, ni Taine, etc.» ; : ;

M. Chantelauze ayant publié un livre pour détruire la légende Naundorf, Taine écrivait à ce sujet, il y a vingt-cinq ans :

« Le livre de M. CGhantelauze, pur de toute déclamation et composé suivant la méthode

_critique, est définitif sur la question.»

Je prends ces renseignements dans un journal qui est très loin de mes convictions politiques, la Dépêche de Toulouse; ce journal à publié un article tellement dur pour les naundorffistes, que je ne veux pas le citer à la tribune. Vous voyez donc qu'il ne s'agit de là d'un débat entre royalistes et répu-

licains.

La Dépêche de Toulouse ajoute : « M. Aulard ayant soumis Taine et ses références à une sévère revision, c’est à M. Aulard et à la société de l'Æistoire de la Révolution que les fidèles de Jean IT ont eu recours il y a trois ans. Ils ne furent pas éconduits.

« La société par l'organe de son comité nomma pour « enterrer la question Louis XVII » une commission composée de MM. Caron, Rebiquet et Tourneux. Après les délais de convenance, dix-huit mois, cette commission conclut en quatre lignes qu'il n'y avait rien de nouveau et qu'aucune preuve de survie et de l'évasion de Louis XVII n'était apportée au débat, »

Telle est, messieurs, la décision de l’histoire. Mais ce n’est pas tout; ce qu'on vous demande encore, c'est la réformation d’arrêts de justice. (Très bien ! très bien ! à droite.)

M. Charles Riou, Voilà la question très bien posée.

M. de Lamarzelle. D'abord, un arrêt du conseil d'Etat, du 2 août 1836, rendu sur un pourvoi contre un arrêt d'expulsion pris contre Naundorff, a déclaré que la filiation Naundorff-Louis XVI ne reposait sur aucun fondement,

Mais il y a plus.: il y a un jugement de 1851 ; il existe également un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu toutes chambres réunies — car il s'agit d'une question d'état — un arrêt solennel daté du 27 février 1874, qui confirme le jugement du 5 septembre 1851. Ce jugement, quand le moment sera venu — si ce moment vient — je le lirai en entier au Sénat, parce qu'il réfute une par une-toutes les articulations de fait des Naundorff. Je montrerai au Sénat que, depuis 1874, jusqu'à ce jour, il n'y a pas un seul fait nouveau en faveur de la thèse Naundorff. (Très bien!)

Voici comment conclut l'arrêt de 1874 :

« Considérant enfin que le présent arrêt ne donne ce développement de motifs au delà de ce que pourrait comporter le caractère du procès, que pour élever plus haut la barrière de la justice contre l'audacieux essat d'une usurpation de nom royal et d'une falsification de l'histoire... » .

Messieurs, ce n'est pas seulement la réformation d'un arrêt solennel qu'on vous demande, c'est aussi une véritable consultation favorable aux Naundorff éncore engagés dans une instance judiciaire.

y a, en ‘effét, à l'heure actuelle, en

ir | France, devant la cour d'appel de Paris, une

instance pendante Sur l'affaire Naundorff.

Bans celle qui s’est terminée par l'arrêt de

4874, tous les Naundorff n'étaient pas cn cause. N'y était pas engagé, notamment, l'auteur, le père des trois pétitionnaires. Deux d’entre eux — pas trois, parce qu'on en réserve toujours un ‘pour le cas où le nouveau procès viendrait à être perdu, il faut tout prévoir (Sourires) — qui n'étaient donc pas partie lors de l'instance de 1874, renouvellent tous les trois ans un aëte d’appel du jugement de 1851. Par conséquent, pour deux des pétitionnaires, l'instance est pendante encore devant la cour d'appel de Paris. Aujourd'hui, on vient vous dernander un avis favorable à ce sujet. Vous voyez, messieurs, Ce qui se passerait si vous l'accordiez. L'affaire recommencerait demain devant la cour, et les appelants se présenteraient avec une consultation du Sénat justifiant leurs conclusions...

M. Alexandre Bérard. Je demande la parole.

M. de Lamarzelle. … et, dansune question — remarquez-le — où il y a des intérêts pécuniaires en jeu. -

Voilà donc comment la question se pose, et je crois que je l'ai présentée avecioyauté et clarté. Il y a plusieurs de nos collègues, je le sais pertinemment, qui viendront soutenir ici tout à l’heure devant vous ce que nous appelons au palais un déclinatoire d'incompétence, qui vous diront: Ce qu'ä s'agit de régler ici, c'est une question d'état, etles pétitionnaires eux-mêmes l’admettent, puisqu'ils ont soumis leur cause aux tribunaux judicaires.

Question d'état, vous dira-t-on, et par conséquent, compétence du pouvoir judiciaire seul : le principe de la séparation du pouvoir l’éxige ; le Sénat ne peut, sans violer les principes les plus élémentaires, s'occuper de cette affaire.

Et l'on vous demandera de suivre l'exemple de la Chambre des députés du gouvernement de Juillet qui, à trois reprises différentes, a rejeté des pétitions semblables : le 7 mars 1835, le 18 février 1837 et le 21 janvier 1838.

En opposition avec cette thèse d'incométence, vous en trouverez une autre, c'est a thèse de votre commission des pétitions,

thèse développée dans ce rapport et admise et votée par elle, à l'unanimité.

M. Gaudin de Villaine. Pas du tout!

M. de Lamarzelle, Je vous demande pardon, mais je n'ai vu aucune opinion contraire exprimée dans le rapport.

M. Gaudin de Villaine. Je demande la parole pour m'expliquer.

M. de Lamarzelle, Si j'ai fait cette remarque, c'était un peu pour amener un membre de la commission à protester.

M. Gaudin de Villaine. J'espérais que de plus éloquents que moi prendraient la parcle. M de Lamarzelle. La thèse juridique du rapport la voici :

On nous parle de confusion de pouvoirs, allons donc! page 62 du rapport : « Le Sénat a tous pouvoirs ». (Exclamalions à droite.)

Et page 64, on le répète : « Le Sénat a tous les pouvoirs ».

D'après le rapport, la décision f-vorable aux prétentions des Naundorff serait une véritable loi.

M. Dominique Delahaye. Ce ne sera pas

une loi naturelle, en tout cas.

M. de Lamarzelle. Ecoutez ; je n'invente rien. . . Je lis, page 51 du rapport :

« Dans tous les pays, la réintégration v *