Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

L'ÉVÈQUE STROSSMAYER 161

pour publier des livres à l’instar des sociétés de ce nom qui existaient déjà à Novi Sad (Ujvidek) chez les Serbes de Hongrie et, à Prague, chez les Tchèques. En 1850, une société s’était créée pour l'étude de l’histoire jougo slave. Peu à peu la ville d’Agram devenait pour les Slaves méridionaux un centre intellectuel et jouait parmi eux un rôle analogue à celui que Prague avait pris chez les Slaves de Bohême et de Moravie.

En arrivant au trône épiscopal, le jeune prélat avait pris pour devise : Tout pour la foi et la patrie. Il avait suivi d’un œil attentif les efforts intellectuels de sa nation. Ilse résolut à la doter des deux organes qui lui manquaient encore pour arriver à une complète émancipation: une académie, une université. Pour l’accomplissement de la noble tâche qu'il s’était imposée, il trouva un vaillant auxiliaire dans la personne d’un jeune prêtre, François Raëzki, professeur au séminaire de Zeng (Senj) et chanoine du chapitre romain de Saint-Jérome des Illyriens.

Dans l’histoire morale des Slaves méridionaux au xix° siècle, les deux noms de Sirossmayer et de Raëzki sont absolument inséparables. L'établissement de Saint-Jérôme des Illyriens à Rome constituait pour les Croates un foyer d’études scientifiques et particulièrement d'histoire religieuse ; l’évèque s’y intéressa vivement et il lui fit un don de quarante mille francs pour lui permettre de se développer dans l'intérêt du clergé national. En ce temps-là, un savant religieux allemand, le Père Augustin Theiner travaillait aux archives du Vatican et publiait les Vetera Monumenta Hungariam sacram illustrantia (Rome 1859). Grâce à la libéralité du prélat, il put éditer peu de temps après deux volumes de Vetera Monumenta Slavorum meridionalium historiam illustrantia (1863).

Dès 1860, l’évèque avait conçu le dessein de fonder à Agram une académie, destinée à diriger et à concentrer le labeur intellectuel des pays croato-serbe ; et il lui donnait le nom d’Académie Sud-Slave qui lui permettait d'étendre au besoin son action sur les voisins, Slovènes et Bulgares. Le

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