Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

SOUVENIRS DE RUSSIE 25

parce que, depuis quelque temps, il a acheté beaucoup de terres en Pologne. Pendant que le Roi était la, M. de Mommonoff lui apporta de la part de l’Impératrice l’ordre de Saint-André magnifiquement enrichi. Pour ne pas rester en arrière, le Roi lui envoya à son tour l’ordre de l’Aïgle blanc de Pologne qu'il octroya en même temps au comte de Skavronski etàa Mess. d'Enguelhardt, tous deux neveux du prince. Après ces galanteries réciproques, le Roï retourna auprès de la grande dame pour contracter avec elle une alliance spirituelle, c'est-à-dire qu'ils présentèrent sur les fonts de baptême un enfant qu'on avait apporté de Konielf. Cet acte religieux terminé, le compère fit encore quelque temps conversation avec sa commère ; puis chacun partit de son côté. Le Roi avait invité les deux demoiselles d'honneur à souper; elles en demandèrent la permission à leur maitresse qui la leur accorda, mais de manière qu'après s'être encore consultées, elles trouvèrent plus expédient de ne pas profiter de cet honneur. »

« L'Empereur (Joseph IT) a joint l'Impératrice bien avant Kherson et même avant Catherinoslaif, et, dès lors, ils ont poursuivi leur

route ensemble, On n'a pu rassembler que 450 chevaux pour toute la suite. L'Empereur n'a besoin que de 15 chevaux et l'Impératrice n'a pas assez à beaucoup près avec les #35 qui lui restent. Une partie de sa suite est partie avant elle ; une autre la suit, et très peu de personnes sont avec elle et son illustre hôte. »

On sait ce que fut le voyage de Crimée et l'habileté avec laquelle Potemkin suppléa à tout ce qui manquait à cette province pour que l'Impératrice en conçût l'opinion la plus favorable. Déjà, en 1777, la Crimée avait été placée sous la protection de la Russie et, bien que le traité de Constantinople de 1779 eût consacré son indépendance, elle n’en devint pas moins, en 178%, possession de la Russie, Catherine l'ayant achetée du dernier Khan, Sahim Gheraïi. Le voyage de 1787 devait mettre le sceau à cette absorption de la Crimée par la Russie. Il avait duré huit mois. Le retour de Catherine était annoncé pour la fin de juillet. Elle n'arriva en réalité que vers le milieu d'août à Saint-Pétersbourg. Elle s'était reposée deux jours à Czarskoë-Selo. De nouvelles guerres allaient réclamer toute son attention et fournir matière à son ambitieuse politique.