Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

SOUVENIRS DE RUSSIE 59 suites que pourrait avoir le massacre des Russes à Varsovie. L’aristocratie polonaise n'avait pas tardé à s'apercevoir qu'elle n'avait été que l'instrument de l'ambition de la Russie. Une insurrection éclata à Cracovie et s’étendit bientôt dans tout le pays. Kosciusko fut mis à la tête du mouvement et les troupes russes et prussiennes furent battues, mais Catherine envoya en Pologne le vainqueur des Tures, le terrible Souvaroff, et les Polonais furent écrasés. A la date du 1% novembre, Mie L. écrivait : « Le bruit court que les Russes ont pris Varsovie par assaut et qu'il y a eu un massacre horrible. Nos amis polonais sont bien inquiets. »

Et le 30 : « On a recu aujourd’hui l’affreuse nouvelle de la prise de Varsovie par les Russes et du massacre affreux qui s'est fait au faubourg de Praga, car la ville même, qui en est séparée par la Vistule, a capitulé ; 12.000 hommes ont été tués, 1.000 faits prisonniers, 2.000 hommes de cavalerie se sont jetés dans la rivière pour la passer à la nage, dont beaucoup ont péri. Voilà le dénouement de cette lutte d'un peuple généreux pour recouvrer son indépendance ; le courage n’a servi de rien et la force a triomphé de la justice. »

1795. Le 17 janvier : « L'Impératrice a envoyé au général Souvaroff le bâton de maréchal, tout enrichi de brillants. »

Le jeune comte Czernichelf était à Rome avec sa famille. I paraît qu'il avait écrit à Souvaroff pour le féliciter de la prise de Varsovie. Le 6 février, il reçut du maréchal une lettre, dont M: L. parle en ces termes : « Cette lettre est vraiment singulière de la part d’un homme comme lui, car la politesse y est poussée à l'excès et toute la lettre, d’ailleurs très bien dite, paraît plutôt venir d'un homme qui demande la protection que d'un homme qui pourrait l'accorder. Aussi on peut dire que le maréchal Souvaroff n'a pas plus ou peut-être moins d'orgueil que le dernier lieutenant de son armée. »

Kosciusko, blessé en tombant à Macojowice entre les mains des cosaques, s'était écrié : Finis Poloniae. Il resta deux ans prisonnier ; Paul Le, en montant sur le trône, lui rendit la liberté. On sait que le héros polonais est mort en 1817 à Soleure, d'où son corps a été transporté plus tard à Cracovie.

L'entrée triomphale de Souvaroff à Varsovie marquait en effet la fin de la Pologne. Le sort de ce malheureux pays était irrévocablement décidé. Cracovie devait être à l'Autriche, Varsovie à la Prusse