Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 295

VIE DE SOCIÈTÉ ET DE FAMILLE. 295

elle eût trouvé rebelle l’ancienne reine de l'Opéra. Celleci regardait la fidélité à l'ancien régime comme un de ses devoirs tant professionnels que conjugaux : Bonaparte, lui disait-on un jour, à déclaré qu'il vous laissait tranquille, parce que, depuis son élévation au trône, la haine était au-dessous de lui; il se borne au mépris: — Bonaparte, répliqua-t-elle en souriant, peut facilement le faire, car nous lui avons donné une telle mise de fonds qu'il ne pourra même jamais payer les intérêts de la somine qu'il tient de nous en ce genre, et cela me fait craindre une banqueroute de sa part. »

Si d'Antraigques commençait à supporter avec impatience le caractère dominateur de sa femme, il lui demeurait uni dans une affection ardente pour leur fils unique, l'héritier de leur aventureuse fortune. Replié sur Jui-même, dans un pays où l'ennui, comme à Grafz, le pénétrait par tous les pores, il se faconnait à cetle vie de famille qu'il avait si longtemps dédaignée. Le soir, après de longues heures solitaires passées à spéculer, la plume à la main, sur les destinées de l'Europe, il donnait à son fils une lecon de religion (1). On croyait alors, d'après le Journal des Débats, qui lança sans doute cette nouvelle à l'instigation du gouvernement francais, qu'il avait passé à la communion orthodoxe. Sans doute, en sa qualité de fonctionnaire russe, il devait assister à certaines céré-

monies du culte grec, mais à ses amis de France, à sa

mère, il attestait une fidélité à ses premières croyances

(4) « C’est avec des peines indicibles qu’on revient à croire, sans jamais avoir une foi solide et à toute épreuve. Je me suis donc résolu à ce qu’en ce genre il n’eût d'autre maitre que moi. Cela l’amuse au point que hier pour avoir été un peu mutin sa mère l'a privé de sa leçon de religion, etilen a pleuré à chaudes larmes. » (D’Antraigues à sa mère, 16 octobre 1803.)