Une offrande Genevois à l'Assemblée nationale

30 É OTTO KARMIN

II

Discours de Mirabeau (|).

A. le comte de Mirabeau. — Ce n’est pas une supposilion gratuite ; leur lettre suflit pour connaître et apprécier leurs motifs; je ne veux pas ici vous parler des vraisemblances; je ne veux que commenter ce qu’ils ont eux-mêmes écril; vous n’y verrez que trop de quoi soutenir par la raison cette défiance qu'un instinct de liberté vous fit éprouver au moment où ce don vous fut annoncé.

Quel est ce don en lui-même? Ce n'est point une contribution patriotique. Les Genevois ont depuis longtemps l'honneur d’avoir une patrie, C’est un bienfait de leur générosité, c'est un secours philanthropique, c'est une occasion précieuse et unique à saisir, disent-ils, d'exprimer leur respect, leur dévouement, leur gratitude à un roi bienfaisant, à une nalion généreuse, qui ont donné dans tous les temps à leur république des marques d'intérêt et de bienveillance. Ce n'est donc point ici cette contribution que nous avons décrétée; et rien ne ressemble moins au quart des revenus que ces 900,000 livres qu'on nous offre, puisque Genève possède en France au moins douze ou quinze millions de rentes,

Qui sont lés donateurs ? Autre considération qui n’est pas de simple curiosité. Ceux qui ont signé cette lettre sont précisément des aristocrates genevois, c'est-à-dire de ceux-là même qui n’ont cessé de vouloir suspendre sur la tête de leurs concitoyens le glaive des garanties étrangères. Oui, Messieurs, tous sont des aristocrates, excepté deux qui appartiennent au parti populaire et qu’on à pu tromper, comme l’a dit un des préopinants; mais d'ailleurs ils sont tous, sans exceplion, membres du gouvernement, de ce corps inamovible qui n’est plus élu par le peuple, et qui, en 1782, s’empara de tous les droits de l'assemblée souveraine, comme des enfants dénaturés qui feraient interdire leur père afin d'usurper tous ses biens.

La lettre des donateurs nous apprend que ceux qui l'ont signée sont les membres d'un comité chargé par les souscripteurs de vous faire parvenir ce don.

Je ne saurais voir dans la composition de ce comité l'effet du hasard: mais j'y vois les intentions du gouvernement qui, sans agir par luimême, veut qu'on le confonde avec ses membres; et je les vois encore

(1) Séance du mardi 29. décembre au soir, Réimpression du Monileur, WW, pp. 503-504.