La première histoire des guerres de la Vendée : essais historiques et politiques sur la Vendée du Chevalier de Solilhac

7180 LA PREMIÈRE HISTOIRE DES GUERRES DE LA VENDÉE

Nous attaquâmes done Grandville; nos païsans s’y portèrent d’abord avec beaucoup d’ardeur et de courage; le régiment d’Armagnac qui voulut faire une sortie fut entourré et taillé en pièces par notre cavalerie ; la ville basse fut prise d’emblée, mais le fort était hérissé de canons de gros calibres, tandis que nous n'avions que des pièces de campagne ; le combat fut très vif, toute la journée ; à l'entrée de la nuit nos paisans se retirèrent en grand nombre pour aller chercher des vivres, burent le vin qui était dans le faubourg et y dormirent tranquillement (1) tandis que les bombes et.les boulets rouges y pleuvaient de toutes parts ; un très petit nombre entretint le feu toute la nuit. Le lendemain, avec bien de la peine, on rassemble les païsans qui se battirent avec beaucoup de lenteur; enfin, le soir, on ordonne la retraite qui se fit en ordre sur Avranches ; nous perdimes peu de monde et presque tous par le canon, mais nous eûmes beaucoup de blessés.

D’Avranches, le projet des généraux était de marcher sur Caen et sur Rouen (2), mais les païsans ordonnèrent autrement. Le lendemain on battit la générale pour aller du côté de Ville-Dieu: 15.000 hommes seulement partirent et le reste se refuse à marcher, en sorte que l’on fut obligé d'après le vœu formel de l’armée de prendre la route de la Loire (3).

À Pontorson nousrencontrâmes l’ennemi fortde15.000 hommes et le battimes complettement (4).

De là nous marchâmes sur Dôle, que nous trouvàmes évacué.

(A) Beauvais, p. 185.

(2) Ce projet de soulèvement de la Normandie avait été discuté au Conseil de Fougères; son exécution était subordonnée à la réussite du projet d’occupation de Saint-Malo ou de Granville.

(3) Les généraux entraînaient l’armée sans tenir compte de l'état moral des paysans, Ceux-ci murmuraient chaque fois que l'avant-garde prenait la route qui les éloignait de la Loire. Déjà, à Laval, plusieurs paroisses du Poitou avaient pris le chemin de la Vendée et sans la crainte de l'isolement les défections eussent été nombreuses. L’échec de Granville fut le coup qui fit éclater la crise inévitable. La volonté latente de retourner au pays se manifesta avec l'indépendance coutumière aux soldats vendéens. Ils abandonnérent la partie. C'était la perte de l’armée d’Outre- Loire, la conséquence prévue, annoncée, du projet « extravagant » du passage de la Loire.

(4) Combat de Pontorson, 18 novembre 1793. La colonne de l’armée de Brest venant de Dinan battue à Pontorson, était commandée par l’ex-tambour-major Tribont et forte de 4,490 hommes,