Les derniers jours d'André Chénier
LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER 301
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altiers son front et son langage, Brillants d’un généreux orgueil.
S'il est écrit aux cieux que jamais une épée N'étincellera dans mes mains,
Dans l'encre et l’amertume une autre arme trempée Peut encore servir les humains.
Il savait que son père, vieillard plein de droiture et d'honneur, invoquait les lois pour obtenir sa liberté. Justice, vérité, si ma bouche sincère,
Si mes pensers les plus secrets Ne froncèrent jamais votre sourcil sévère,
Sauvez-moi!
Ce n’est ni de la justice ni de la vérité, que Montrond et Aimée de Coigny attendaient leur salut. Ils s’occupaient de réunir des pièces d’or et d'argent afin de corrompre, par des moyens très simples, leurs gardiens, leurs jugés et leurs bourreaux. Le Comité de salut public, sentant déjà gronder, autour de lui, le mécontentement populaire qui devait aboutir au Neuf‘Thermidor, voulant, d'autre part, « faire de la place » dans les geôles rendues trop petites par l'effroyable loi des suspects, avait inventé un complot, — connu dans l'histoire sous le nom de conspiration des prisons. Il fallait atout prix trouver des conspirateurs. On mêla donc aux prisonniers un certain nombre de policiers secrets qui faisaient semblant d'être prisonniers comme tout le monde, et dont les rapports servaient à établir des listes de proscription. À Saint-Lazare, un Belge, nommé Jaubert, un [ialien, nommé Manini, et quelques autres s’acquittaient de ce rôle, grâce auquel FouquierTinville pouvait envoyer à la guillotine ce qu'il appe-
lait élégamment des « fournées » de condamnés. On
procédait à ces « fournées » successivement dans