Les derniers jours d'André Chénier
288 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER
dire les choses! L’urbanité de la cour et des salons avait émigré dans les geôles où les meilleurs d'entre les hommes nouveaux, un André Chénier, un Lazare Hoche rencontrèrent les plus charmantes femmes de l'ancien régime. L'illusion féconde habite dans mon sein. D'une prison sur moi les murs pèsent en vain, J'ai les ailes de l'espérance : Echappée aux réseaux de l'oiseleur cruel, Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel Philomèle chante et s'élance.
Comparer à un « oiseleur », ce M. de Robespierre qui, dans sa jeunesse sentimentale, apprenait Rousseau par cœur, souriait d'extase en lisant Bernardin de Saint-Pierre ou Fabre d'Églantine, et faisait pleurer, par une idylle consacrée aux roses, les Losati de l'académie d’Arras, —- c'est ce qui s'appelle avoir de la continuité dans les métaphores. La pastorale du dixhuitième siècle se prolongeait, incorrigiblement, jusque dans ce crépuscule tragique où l'horizon s'empourprait d'une lueur de sang. L’idylle, indomptable et frêle, évoquait toujours, à travers les barreaux des grilles, les prés verts, les bosquets et les charmilles, le murmure des ruisseaux, la chanson des petits oiseaux, la fête champêtre et galante, les bergers et les bergères de Fragonard, de Watteau et de Florian.
Je ne suis qu’au printemps, je veux voir la moisson: Et, comme le soleil, de saison en saison,
Je veux achever mon année... Brillante sur ma tige et l’Honneur du jardin,
Je n'ai vu luire encor que les feux du matin, Je veux achever ma journée.
La Révolution naquit dans un décor de pastorale, sous le ciel sensible des exquis paysages de l'Ile-deFrance, sur une terre où toutes les fleurs du paradis souriaient au visage émerveillé des hommes et des