Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE. 655

vait en résulter, ainsi que le promet lanote du ministre de France, l’œuvre salutaire de la pacification générale (1).

Lorsque ces nouvelles atteignirent Paris, Talleyrand qui venait de remplacer Delacroix dans le poste de ministre des relations extérieures, annonça dans un rapport au Directoire que l’œuvre commencée par son ordre et conformément à ses instructions touchait à sa fin et qu'il ne restait plus qu'à munir le citoyen Caillard de pleins pouvoirs pour la conclusion d’un traité de commerce et d'amitié avec la Russie (2).

Mais Besborodko à Pétersbourg comme Talleyrand à Paris avaient compté sans le personnage auquel revenait le rôle principal dans la négociation. C'était — nous l’avons vu — le nouveau ministre de Russie à Berlin, comte Nicétas Panine. Ce jeune homme à peine sorti de l'adolescence (3) était le neveu du ministre des aflaires étrangères de Catherine pendant la première moitié de son règne, comme pour avoir été le promoteur et le principal soutien de son alliance avec la Prusse, et un adversaire déclaré de la France. Il avait alors hérité de la prévention de son oncle envers ce pays, considérablement augmentée par l’aversion qu'inspiraient alors à la moblesse russe les principes égalitaires de la Révolution. II faisait partie, ainsi que je l'ai mentionné plus haut, au cercle intime de l’impératrice Marie, née princesse de Wurtemberg, protectrice zélée du parti de la « bonne cause » (4). Imbus des idées de sa coterie, obéissant à un mot d'ordre secret, Panine en partant pour Berlin était parfaitement décidé à faire échouer {la négociation « ignominieuse » dont il avait été chargé. Cela résulte d'une lettre qu'il adressa quelques jours après son arrivée dans cette capitale à son cousin, ami et coreligionnaire en politique, le vice-chancelier prince Alexandre Kourakine (8): « Je vous paraîtrai hardi peut-être, écrit-il, en osant exprimer une opinion qui ne domine pas chez nous. Je conviens que ce n’est pas là le langage d’un courtisan. Mais je pense qu'un homme public est tenu à représenter Les chosestelles qu'il les voit, non pas telles qu'on voudrait les lui faire voir. Dans

(1) La note russe ne porte pas de date. Elle a été remise au Directoire par l'envoyé de Prusse le # fructidor an V (21 août 1797).

(2) Talleyrand au Directoire le 25 thermidor an V (13 août 1797).

(3) Panine était né le 28 avril 1771. Deux mois avant sa nomination à Berlin, il venait d'entrer dans sa 27e année.

(4) Voy. à ce sujet la lettre de Rostopchine à Simon Woronzoff du 24 juin 1797

(Archives du prince Woronzoff, VILLE, p. 141). (5) Le même qui de 1810 à 1812 à été amhassadeur à Paris.