Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE. 659

projet de traité que vous nous avez adressé fût parfaitement d’aecord avec les directions communes. » Talleyrand constatait avec plaisir que Caiïllard avait réussi à écarter la médiation de l’empereur de Russie pour la paix préparée avec l'Autriche et l'Angleterre et exprimait l'espoir qu'il lui serait facile de « renverser le futile argument sur lequel on s'appuie pour réclamer d’intervenir dans la paix d'Empire ». Il lengageait « à repousser avec le même succès toute proposition de M. de Panine qui tendait à compliquer le traité, à retarder sa conelusion et à y introduire des clauses que le Directoire ne pourrait admettre ».

Passant aux détails, le ministre relevait une petite irrégularité dans Le préambule. Ce n'était pas le Directoire qu'il fallait y opposer à l’empereur, mais la République elle-même, le Directoire n'apparaissant que pour nommer les plénipotentiaires au nom de la République. La conséquence de ce changement était qu'on devait observer l’alternat entre la République et l’empereur. On approuvait les articles de forme, c’est-à-dire le premier, le deuxième et le sixième, mais on se refusait à confirmer les autres et en particulier celui qui réglait les conditions du séjour des Russes en France et des Français en Russie.

«Cet article, écrivait Talleyrand, a surtout excité l’étonnement du Directoire. Il ne conçoit pas que vous l’ayez admis, même avec la rédaction que vous avezsubstituée à celle du comte Panine.

« Vous lui aviez si bien répondu que de semblables précautions étaient dirigées contre un être chimérique; que c'était affaiblir une obligation qui tient au droit naturel et des gens que de l’exprimer dans un traité. La volonté de l’empereur ne prévaudra pas contre la nôtre. Le Directoire exécutif ne consentira jamais à une stipulation aussi vague, aussi inutile, qui donnerait à un gouvernement arbitraire et capricieux l’occasion de persécuter sous les plus légers prétextes les Français qui se trouveraient en Russie et|de repousser même nos réclamations. »

Laquelle des deux puissances serait plus en droit de prendre des précautions, de réclamer des garanties pour la sûreté intérieure, laquelle a plus agi contre l’autre! L'empereur ignore-t-il quesa mère nous aurait inondés d’espions et d'agents dont nous ne pouvons pas douter que plusieurs sont encore à Paris! Les prétendus missionnaires de nos principes ont-ils pénétré jusqu’à Pétersbourg. De bonne foi, qu'iraient-ils y faire? Un pays comme la France où la population abonde et où les contacts sont perpé-