Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

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Il suffira, pour s'en faire une idée, d’un apercu sommaire de ces rapports à partir du jour de la premièrerencontre des deux États sur le terrain de la politique générale.

Longtemps avant l'apparition de la Russie sur la grande scène européenne, l’ancienne France avait ne les bases de son système d’alliances qui consistait, on le sait, à se ménager, dans sa lutte avec la maison d'Autriche, l'appui et le concours des États secondaires. Mais tandis que la Prusse et la Sardaigne se distinguaient déjà par leur versatilité devenue proverbiale, la Suède, la Pologne et la Turquie restaient fidèles à l'alliance française. Or, ce sont précisément ces trois puissances que la Russie, avançant vers l'Occident, trouva sur son chemin. Dans ces conditions, une collision devenait inévitable entre le grand empire slave cherchant à entrer en contact immédiat avec le monde romano-germanique et les États qui s’élevaient entre ce monde et lui comme une barrière infranchissable. De là cette lutte gigantesque désignée dans l'histoire sous le nom de grande guerre du Nord et où la Russie, pour se faire jour, eut à combattre ses trois adversaires à la fois, tous trois alliés de la France.

Louis XIV aux prises lui-même avec une formidable coalition comprit aussitôt Le parti que pourrait tirer la France de la puissance naissante de la Russie. Il n'hésita donc pas à offrir son alliance au tsar Pierre, sans tenir compte d’abord de la guerre que eeluici faisait à la Suède. En 1702 arriva à Moscou un plénipotentiaire français chargé de déclarer au nom du Roi: « que le principal ordre qu'il ait est d'établir une parfaite correspondance et une amitié solide entre Sa Majesté et le grand-duc de Moscovie ; qu’elle sait que ces ennemis que sa puissance lui attire n'ont rien oublié pour empêcher cette union; que Sa Majesté n’a pas fait un seul pas tant qu'elle a eu sujet de croire que leurs artifices prévenaient encore le grand-duc de Moscovie ; mais qu'aussitôt qu'elle apprend que ce prince en est désabusé, elle veut lui faire voir qu'il ne tiendra pas à elle de répondre aux bonnes intentions qu'il témoigne ; qu'il a pu apprendre par son expérience le peu de fondement qu'il doit faire sur les protestations d'amitié de l'empereur, de l'électeur de Brandebourg, de l'Angleterre et de la Hollande et qu'il ne peut douter que ces puissances aient eu d'autres vues que celles de leurs propres intérêts, en l’engageant avec elles ; que l'électeur de Brandebourg ne lui a donné aucun secours dans la guerre où il s'est engagé et qu'il n’en a pas recu