Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

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et un superbe monument, érigé par la piété filiale, les couvrira. Ce règne commence sous les plus heureux auspices. »

Parmi les anciens favoris de Catherine Il, il en était un qui avait tout à craindre du nouvel empereur, c'était le prince Zouboff. Lorsqu'il parut devant Paul If, il se jeta à ses pieds pour lui remettre son bâton de commandement. L'empereur le prit, le garda un moment et le lui rendit en lui disant qu'il se flattait qu'il le servirait avec le même zèle qu'il avait servi sa mère. Depuis, il lui fit même présent d'une maison de 100.000 roubles. Un jour devait venir où l’empereur s'apercevrait qu'il avait mal placé sa confiance, car Platon Zouboff, ainsi que son frère Nicolas, fut un des assassins de Paul I“ !, Il paraît que le nouvel empereur s’appliquait à se rendre populaire parmi ses sujets. Mais ses plans de réformes ne rencontraient pas un consentement unanime. A ce propos, M''° L. écrit en date du 22 novembre : « Les militaires font un peu grise mine, car, à présent, ils sont obligés de faire leur service à toute rigueur, ainsi que tout ce qui tient à la Cour. »

Après une longue description du convoi funèbre de Catherine II, M'e L., revenant sur le sujet des réformes entreprises par Paul [°, écrit à la date du 23 décembre : « Les régiments seront à présent sur le pied prussien et resteront toujours dans les mêmes garnisons, que les officiers ne pourront pas quitter s'ils ne sont appelés à la Cour. On dit qu'on verra paraître beaucoup de nouvelles lois. Le souverain aime l’ordre. » À cette occasion, Mie L. cite un certain nombre d'ordonnances qui étaient des plus tyranniques. Elle ajoute : « L'empereur est d’une activité sans égale, il s’informe lui-même de tout ce qui se passe et donne des ordres qu'il a soin de faire exécuter. »

On sait quelle part active le comte Alexis Orloff avait prise à l'assassinat de Pierre III et quelle fortune il fit sous le règne de Catherine IT qui l'avait élevé au rang d'amiral. À l'avènement de Paul Le", il ne devait pas être très empressé à paraître devant le nouveau souverain. Voici, à cesujet, ceque renferme le Journal de MI. à la date du 28 novembre 1796 : « On raconte que l’empereur, ne l'ayant pas vu le premier jour parmi ceux qui lui prétaient le serment, lui en avait fait demander la raison, et qu'il avait

1. Il quitta la Cour le jour même de l’ensevelissement de l'Impératrice, le 21 décembre, et prit son congé du service le lendemain. Le 4 février, il quitta Pétersbourg et se rendit d'abord en Courlande chez son frère Valérien.