Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE. 641

fin il s’associa à l'Autriche et à l'Angleterre et essaya de grouper autour de cette triple alliance toutes les monarchies de l'Europe. Grandes furent sa surprise et son indignation, plus grandes encore quand il s'aperçut qu'il avait été la dupe de ses alliés; que les cabinets de Vienne et de Londres ne considéraient la guerre avec la France que comme un moyen de satisfaire leurs vues égoïstes etambitieuses: que les grands mots d’« intérêt général, de « cause commune » leur servaient à cacher leur jeu et à exploiter à leur profit exclusif les forces morales et matérielles de la Russie. |

Malheureusement, l'expérience de Paul ne profita pas à son successeur. C’est sous le règne d'Alexandre [* que ce principe d'une prétendue solidarité des intérêts monarchiques et conservateurs #n{ernationaux l'emporta définitivement dans ses conseils sur celui de l'intérêt national et stimula le jeune et généreux souverain à prodiguer les trésors de son peuple et le sang de ses soldats pour la défense, tantôt de l'Autriche, tantôt de la Prusse, sous le fallacieux prétexte de travailler au rétablissement de l’« ordre moral » en Europe. Plus avisées et moins scrupuleuses, les cours de Vienne et de Berlin ne se laissèrent pas arrêter par des considérations aussi abstraites lorsqu'elles supplièrent Napoléon de les laisser prendre part à sa campagne contre la Russie et exigèrent de lui l'engagement formel de leur procurer un agrandissement de territoire aux frais de leur alliée traditionnelle (1). Elles se dépêchèrent toutefois de faire de nouveau volte-face, avec une désinvolture admirable dès que la fortune se fut prononcée contre les Français, jugeant plus profitable de faire servir une fois de plus la Russie à secouer le joug de fer que faisait peser sur eux la main puissante de Napoléon. Obsédé par son idée fixe, ambitieux du titre de libérateur des peuples, Alexandre passa l'éponge sur leur trahison et, unissant leurs armées à la science, il les conduisit au delà du Rhin. Il eut bien soin de déclarer qu'il n'en voulait qu'à Napoléon. Mais l’histoire n’admet pas de ces distinctions subtiles. Dans la personne de l'empereur c’est la France qui fut atteinte. Elle succomba avec gloire sous les efforts combinés d’une coalition universelle.

Il s'ensuivit quarante années de paix pendant lesquelles la

(1) Cette clause a été insérée dans les deux traités d'alliance offensive et défensive conclus par Napoléon avec la Prusse le 24 février et avec l'Autriche le 14 mars 1812.