Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

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lontairement. De ce nombre-étaient les essais de rapprochement avec la France que les diplomates russes considéraient comme la plus condamnable et la plus dangereuse des hérésies (1). Ils se gardaient bien de se mettre en rébellion ouverte contre la volonté du maître, mais humbles et soumis en apparence ils excelaient dans l’art de la faire échouer, soit en lui opposant une force d'inertie indomptable, soit en suscitant des obstacles dans l'exécution qu'ils assumaient avec un feint empressement.

Un exemple servira à mieux mettre en lumière jusqu'à quel point il suffisait de la mauvaise volonté des diplomates chargés d'une négociation pour la faire aboutir à un résultat absolument contraire aux intentions de sa cour. Cet exemple, que j'emprunterai au récit de la première tentative de réconciliation de la Russie avec la République française, servira en même temps d'introduction à l'épisode qui forme le sujet principal de cette étude.

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C'était au commencement de l’année 1797, trois mois après l'avènement de l'empereur Paul au trône de Russie. Le Directoire recevant de toutes parts des informations qui s'accordaient à prêter au successeur de Catherine les dispositions Les plus paci-. fiques, crut le moment venu de faire un premier pas dans la voie de la conciliation. Son ministre à Berlin reçut en conséquence l'ordre d'adresser au ministère prussien une note dans laquelle il était dit que dans son désir de rétablir la paix et les liaisons d'amitié qui existaient avant la guerre entre la France et la Russie le Directoire serait disposé à entrer en négociations avec le plénipotentiaire désigné à cet effet par l'empereur de Russie. Le cabinet de Berlin était prié « de prendre cet important objet en grande considération » et en faisant parvenir à la connaissance de Paul les dispositions du Directoire, « d'employer tous les moyens que lui fournit la nature et l'intimité de ses liaisons avec la cour de Pétersbourg pour obtenir de l'empereur de Russie une décision conforme au rang du Directoire et qui ne le sera pas moins à celui de l'humanité, puisque rien ne sera plus propre à accélérer le retour de la paix générale (2) »

(1) Voyez à ce sujet dans mon Histoire (russe) de la politique extérieure de l'em-

pereur Nicolas, chap. VIT, p. 475 et suiv. (2) Caillard au ministère prussien, 1 ventôse an V (25 février 1797).