Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE,. 637

après un traité fut signé à Amsterdam stipulant « qu'il y aurait dès ce jour et pour toujours entre Sa Majesté très chrétienne et Sa Majesté le tsar, leurs héritiers successeurs, royaumes, pays, États et sujets, une amitié et une correspondance sincères ». Par ce même traité, la Russie accepta Les bons offices de la France, pour atténuer sa paix avec la Suède, et on convint, aussitôt cette paix conclue, de procéder à la signature d’une alliance formelle (1).

Ce projet, que le tsar Pierre, devenu empereur de toutes Les Russies, ne cessa de caresser jusqu’à la fin de ses jours, ne se réalisa pas. L'accord passager de la France avec l'Angleterre Y mit un premier obstacle. La mort du régent, suivie bientôt de celle de Pierre, a été cause de son entier abandon (2). Il est vrai qu'au début du règne de Catherine T°, on était encore disposé à Saint-Pétersbourg à se lier étroitement à la France en cimentant l'alliance des deux États par une union de famille (3). Mais Les conseillers du jeune roi Louis XV n'étaient pas de taille à faire de la grande politique en étendant l’idée de Pierre et en substituant la Russie dans le système des alliances françaises, non seulement à la Suède, mais aussi à la Pologne et à la Turquie. Ils laissèrent échapper l’occasion qui ne se représenta plus de sitôt. L'Autriche et la Prusse n’eurent garde d’imiter leur exemple et, dès l’année 1724, l’une et l’autre s’unirent à la Russie par les liens d’une alliance qui se perpétuera jusqu’à nos jours. Le traité avec l'Autriche a été signé le 6 août, celui avec la Prusse le 20 du même mois 1726 (Recueil complet des lois russes, NN 4946 et 4947).

A partir de ce moment c'en était fait de la spontanéité comme de l'indépendance des rapports mutuels de la France et de la Russie. [ls ne sont plus réglés par les intérêts propres aux deux pays, mais deviennent entièrement subordonnés aux convenances de leurs alliés respectifs. Désormais la Russie vécut avec la France en bonne ou mauvaise intelligence selon que l’Autriche ou la Russie se trouvait avec elle en état de paix ou de guerre. De même la France conformait son attitude vis-à-vis de la Russie à la nature des relations de celle-ci avec les Suédois, Les

(1). Le traité d'Amsterdam fut conclu le 15 août 1717. (Recueil complet des lois russes, N 3098.) (2) Le Régent est mort le 2 décembre 1733 ; Pierre ne lui survécut que de qua-

torze mois et mourut le 8 février 1795. (3) Recueil de la Société impériale de Russie, LVIIT, préface, p. xv.